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dimanche 11 mars 2018

DISCRIMINATION LÉGALE ET MULTICULTURALISME...



DISCRIMINATION GALET
MULTICULTURALISME FAUTIF

Analyse psentédans le cadre du

Forum sur la valorisation de la diversité
et la lutte contre ldiscrimination

Sous la responsabilité du
Ministère de lImmigration, de la Diversité et de lInclusion (MIDI)

par
Me Martin Dion
Avocat, B.Sc., L.L.BMembre du Barreau du Québec

Octobre 2017
EXTRAITS




IL N’Y A POINT DE PLUS CRUELLE TYRANNIE QUE CELLE QUE L’ON EXERCE
À L’OMBRE DES LOIS ET AVEC LES COULEURS DE LA JUSTICE.


MONTESQUIEU

AVERTISSEMENT

Cette analyse, terminée le 18 octobre 2017, se voulait une réponse à la « consultation sur la discrimination systémique et le racisme », sous la responsabilité de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Le même jour, le MIDI annonce qu’il met fin au mandat de la Commission mais que les 31 organismes qui devaient entendre les « victimes » à travers le Québec conservaient leur mandat. De son côté, la Commission précise, dans un communiqué du 20 octobre, qu’elle poursuivra « l’analyse des impacts (…) sur les personnes racisées » (sic) et ses « travaux, amorcés bien antérieurement à la Consultation (…) afin d’étudier en profondeur ces sujets ». De plus, elle démontre son biais idéologique et ses conclusions déjà arrêtées en écrivant qu’elle « estime toutefois que la discrimination systémique et le racisme (…) demeurent présents au sein de la société québécoise ». C’est donc sans surprise que, dans un autre communiqué du même jour, portant sur la Loi sur la neutralité religieuse de l’État (2017, c.19), elle décrète étourdiment que « la mesure visant l’offre et la réception de services à visage découvert pourra contribuer à la discrimination systémique visant les femmes appartenant à un groupe minoritaire, déjà largement discriminées ».

Compte tenu que le mandat du Forum concernant la discrimination est fondamentalement le même, que la Commission est enlisée dans ses ornières idéologiques, et que le MIDI invite à « transmettre des mémoires sur les questions de la valorisation de la diversité et de la lutte contre la discrimination », la présente analyse est donc transmise in extenso. De plus, elle est d’autant plus justifiée que le MIDI, comme la Commission, participe à la racialisation des rapports sociaux. En plus de la division communautariste, il alimente le racisme en encourageant le développement d’une « conscience raciale » chez ces « racisés » (sic) qui n’en avaient plus. Il est donc impératif de dénoncer ce travail de sape envers l’assimilation réciproque, soit une réelle intégration. 

Dépôt légal : 4ième trimestre 2017
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada

 Le document complet ici :

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ……………………………………………            … 5

CHAPITRE 1  DES PARAMÈTRES À CLARIFIER …………    6

1.1  Les droits de l’Homme dévoyés …………………………………. 6

1.2  Une Commission qui erre et stigmatise………………………14

1.3  Un multiculturalisme qui divise……………………………….22

1.4  Une assimilation qui unit ……………………………  31

1.5  Recommandations ………………………………………………… 38

CHAPITRE 2- FUSILLADE À QUÉBEC, LE MULTICULTURALISME FAUTIF  40

2.1  La rencontre ………………………………………………..… 40

2.2  Ne pas tout accepter …………….…………………………….……….…... 41

2.3  L’ami musulman ……………………………………………….….. 43

2.4  L’attentat de Québec …………………………………………………. 45

2.5  La grande récupération accusatrice ………………………………….….…. 47

2.6  Le défilé des coupables ……………………………………..…... 51

2.7  Recommandations ……………………………………………….... 57

CHAPITRE 3  MENSONGES ET DIVAGATIONS …………………58

3.1  Le mensonge de lislamophobie …………………………….…..… 58

3.2  L’approche victimaire ………………………………………….……. 65

3.3  Les divagations du progressisme ……………………………………….. 71

3.4  Le voile des entourloupes ………….……………………………..….. 76

3.5  La Commission Bouchard-Taylor ………………………….…………..…. 80

3.6  Recommandations …………….…………………………………….….…. 83

CONCLUSION (et bref retour sur les recommandations)………..…………………..       85


INTRODUCTION

Comme l’affirmait Albert Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde ». Alors soyons clair : le multiculturalisme (incluant l’interculturalisme) est une forme de racisme et de discrimination érigée en système. C’est le contraire d’une volonté d’intégration, car la séparation sur une base de cultures multiples ne fonde pas un « nous » inclusif, mais engendre plutôt division et fragmentation sociale. Alors, s’il y a racisme et discrimination systémique, c’est dans  cet  « apartheid  multiculturel »1  qui  favorise  l’exclusion.  En  d’autres  mots,  c’est  une discrimination légalisée, à la fois systématique et systémique, qui constitue le socle sur lequel s’appuie la grande régression de ceux qui préfèrent la division et la stigmatisation plutôt que le vivre-ensemble et l’égalité réelle.2

Comme l’affirmait aussi Jean Melkart, « il n’y a rien de plus courageux que la flamme d’une bougie. Même seule et minuscule, elle ose se dresser contre l’obscurité ». C’était le but de la présente analyse, mais mes recherches ont démontrées qu’il y a de multiples bougies qui s’avèrent encore plus éclairantes que ma modeste contribution. Malgré le court délai imparti, j’en reproduis plusieurs extraits qui participent à une analyse objective et à la recherche de la vérité. Contribuer, d’une manière si modeste que ce soit, à l’harmonie sociale et à la conservation d’un peuple, c’est avoir l’opportunité de décrire certaines vérités. De plus, c’est quand le feu nous réchauffe qu’il faut l’entretenir, car il est vain de le regarder s’éteindre et souffler sur des cendres mortes. Il faut donc agir et agir c’est transmettre.

Les vertus de l’inclusion et de l’assimilation se révèlent lorsqu’un immigrant est un jour fier d’affirmer sa totale intégration à son peuple d’adoption. Il dira : « Vous avez reçu une personne venue d’ailleurs en l’intégrant en toute égalité. En favorisant une entière assimilation, vous confirmez votre conception ouverte de l’unité et de l’identité nationale. C’est avec bonheur et humilité que je mesure les vertus d’une assimilation qui est une communion solennelle et complète avec mon peuple d’adoption ». Hélas, la nouvelle religion de ces droits de l’Homme dévoyés – ce nouvel opium des bien-pensants – professe que ce n’est pas à l’immigrant de s’adapter au pays d’accueil, mais à celui-ci de s’adapter à l’immigrant. C’est l’énorme imposture de cette doxa actuelle qui cherche notamment à imposer un relativisme aveugle au mépris de la logique et du sens commun. On cantonne l’Autre dans ses origines (tu n’es pas de nous et tes valeurs sont différentes) et on lui martèle qu’il fait partie d’un groupe à part et…qu’il est une victime du système. C’est cette grande fourberie que les tenants du multiculturalisme essaient de faire passer pour de l’inclusion.
1 Voir page 26.
2 Voir section 1.3 de la présente analyse : « Un multiculturalisme qui divise », page 22.

CHAPITRE 1 – DES PARAMÈTRES À CLARIFIER


1.1 – Les droits de l’Homme dévoyés

 [Un équilibre rompu entre libertés individuelles et collectives]

La vie démocratique connait un marasme dont la désertion électorale et le discrédit des partis politiques ne sont que la pointe de l’iceberg. Le problème fondamental, c’est qu’on attaque la démocratie elle-même en voulant la mettre à l’abri des choix démocratiques et de la souveraineté populaire. Les libertés individuelles sont devenues des droits fondamentaux au mépris des libertés collectives. L’équilibre est rompu et c’est à travers des mécanismes qui échappent à la volonté populaire (notamment Charte des droits et interprétation judiciaire) qu’on constate le recul de l’idée d’action collective et l’individualisme triomphant.

[Des arcanes judiciaires qui l’emportent sur les Parlements]

Les tribunaux sont maîtres de dire ce qui est bon ou mauvais pour la société. Ce sont les arcanes judiciaires qui l’emportent sur les Parlements et qui, à l’occasion, réécrivent les lois. Le pacte civique que devrait soutenir le droit s’est volatilisé et c’est le moralo-juridisme qui décide isolément. En conséquence, on constate que l’éthique de responsabilité et la participation collective se sont effondrées pour laisser la place à des demandes individualistes qui ne sont plus des apports à la société mais des créances sur la société.

[Le nouveau dogme des droits de l’Homme]

Il y a souvent eu des idéologies politiques avec une prétention dogmatique de tout pouvoir englober et régler. Aujourd’hui, c’est la religion des droits de l’Homme – des droits dévoyés notamment par des Chartes de l’individualisme – qui en est la nouvelle mouture. Pourtant, on constate de plus en plus les dérapages et ce fait évident que le dévoiement des droits de l’Homme tourne à la confusion et ne permet plus de donner un sens à l’avenir et de conserver des lieux de civisme et de responsabilité.

[L’État est l’organisation politique du peuple]

Déjà, au milieu du siècle dernier, le juriste et doyen Georges Vedel rappelait que l’État n’est que « l’organisation politique du peuple ».3 Affaiblir l’État, c’est donc affaiblir le peuple et, comme le souligne le professeur Jean-Louis Harouel, « tout ce qui est gagné contre l’État d’un pays est gagné contre le peuple dont cet État est le visage institutionnel ». Et ce dernier ajoute que la « religion des droits de l’Homme, au nom du dogme de l’amour de l’autre jusqu’au mépris de soi, a gravement dénaturé notre droit au détriment des valeurs de durée nécessaire à l’inscription dans le très long terme des groupes humains ».4
  
3 George VEDEL, Cours de droit constitutionnel, Paris, Les cours de droit, 1952-1953, p. 411. Cité par Jean-Louis
HAROUEL, Les droits de l’Homme contre le peuple, Paris, Desclée de Brouwer, 2016, p. 12.

S’il est toujours indispensable de protéger la personne et ses droits contre l’État, il est indispensable que l’État lui-même soit conforté. Il faut un équilibre en toutes choses. La leçon essentielle à retenir des dernières décennies – qui ont abouties à l’adoption des Chartes de l’individualisme au mépris des droits collectifs – est que précisément les droits fondamentaux de la personne ne peuvent être sauvegardés à long terme que si l’on conserve à l’État son rôle d’organisation du peuple et de garant des intérêts collectifs.

[Le respect des droits collectifs est un devoir de l’État]

Ainsi, si en principe la sécurité de l’État ne saurait être invoquée pour couvrir les atteintes aux droits de la personne, la religion des droits de l’Homme ne saurait non plus être invoquée pour couvrir les atteintes aux droits collectifs des peuples. C’est le toujours et nécessaire équilibre! Le respect des droits collectifs est un devoir de l’État et le devoir de protection solidaire de ces droits collectifs doit empêcher une réduction des droits au sens large aux seuls droits individuels. De plus, ce devoir de protection solidaire doit aussi prévaloir sur un détournement des droits de l’Homme à des fins politiques.

[Détournement des droits de l’Homme à des fins politiques (l’exemple canadien)]

Ce qui s’est d’ailleurs produit au Canada. En mai 1980, des discussions constitutionnelles sont relancées et le ministre de la Justice de l’époque, Jean Chrétien, un favori au service du nationalisme canadien, sillonne le pays en trois jours, ne faisant aucun arrêt dans sa patrie québécoise. À Québec, le gouvernent craint une érosion de ses pouvoirs en matière de protection de sa langue et de sa culture, ainsi qu’en matière de promotion de son identité. Le premier ministre canadien, Pierre Elliott Trudeau est, comme la majorité des nationalistes canadiens, opposé à la Charte québécoise de la langue française (une loi du domaine des droits collectifs) et cherche un moyen de la torpiller. Il utilisera l’arme des droits de l’Homme, soit l’adoption d’une Charte des droits et libertés, pour arriver à ses fins. Même si plusieurs au Canada sont opposés à l’idée de laisser les juges prendre des décisions à la place des élus, le but inavoué qui consiste à affaiblir la nation québécoise prendra au final le dessus grâce à l’ajout d’une clause dérogatoire.5
4 Ibid., p.12 : Jean-Louis Harouel, agrégé de droit et professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (ParisII).
5 Notons aussi les propos de Barry Strayer, juge à la retraite de la Cour fédéral d’appel et, à l’époque, responsable de la rédaction de la charte au ministère fédéral de la Justice : « C’était confus…et c’est pour cela que nous sommes arrivés avec l’article 1, qui laisse cet arbitrage aux tribunaux ». « CETTE CHARTE A ÉTÉ CONSTRUITE SUR DES GÉNÉRALITÉS, DES IMPRÉCISIONS, PARCE QUE C’ÉTAIT LA SEULE FAÇON D’EN ARRIVER À UN CONSENSUS ». Le Devoir, 11/04/2007, p. A4. 

Ce leurre, accepté par Trudeau pour amadouer les résistants et rallier les provinces anglophones, s’avèrera avec le temps inefficace pour protéger la population des interprétations parfois inacceptables des tribunaux. De plus, on n’associera plus la Charte qu’aux droits individuels et elle confirmera avoir été un détournement, à des fins politiques, des droits de l’Homme pour aller à l’encontre de la reconnaissance de droits collectifs, et prioritairement ceux de la nation québécoise (rappelons que ce qui est gagné contre l’État québécois est gagné contre le peuple québécois).6 

Notons aussi qu’en 1971, pour contrer l’idée des deux peuples fondateurs et le biculturalisme, le même Trudeau fit adopter une loi sur le multiculturalisme. En 1982, il profita de l’adoption de la Charte des droits pour y inclure l’article 27 par lequel l’interprétation donnée à cette dernière « doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens ». Nous aurons l’occasion de revenir avec des citations et exemples qui démontrent les effets pervers d’un multiculturalisme qui contribue à accentuer la suprématie de l’individu sur la cohésion sociale. Ajoutons seulement qu’il divise la société et ne favorise pas l’inclusion mais l’auto-exclusion. En 2007, la journaliste Hélène Buzzetti écrivait ceci :

« Cette préséance donnée à l’individu a-t-elle conduit à l’éclatement de la société canadienne? Selon des chiffres de Statistique Canada tirés de son Enquête sur la diversité ethnique de 2002, le nombre d’enclaves ethniques est passé de 6 en 1981 (situées à Montréal, Toronto, et Vancouver) à 254 en 2001. Une enclave ethnique se définit comme une collectivité dont au moins 30% des habitants proviennent de la même ethnie, minoritaire au Canada ».7

[Un modèle communautaire qui assaille les libertés fondamentales]

Sur le plan de l’Histoire, nos actions nous suivent et il faut payer pour ses fautes. Nous trouvons de nombreuses raisons de s’indigner dans le détournement des droits de l’Homme et dans les actions des tenants du multiculturalisme. Ce que le bon sens nous apprend, c’est que les sociétés qui laissent s’élargir progressivement le fossé entre ce qui est proclamé et ce qui est réalisé sont condamnées à mourir de leur aveuglement et de leur laisser-faire. Rappelons aussi qu’en soutenant le modèle communautaire, elles cautionnent les pressions qui s’exercent sur la liberté de l’individu et sur la liberté de conscience. À titre d’exemple, après la fusillade de Québec8, madame Fathia Chandad, présidente de l’Association marocaine de Québec, soulignait que ces pressions sont bien réelles chez les musulmans où des intégristes cherchent à s’imposer comme représentants :

« Je suis ici depuis 31 ans et j’ai découvert il y a trois, quatre ans un discours que je n’entendais pas dans les 27 années précédentes. (…) On voit des gens qui, à tout bout de champ, s’improvisent représentants de la communauté et disent des bêtises. On est horrifiés, parce qu’ils ne nous représentent pas. ».9

 6 Voir notamment : Manon CORNELLIER, Une naissance difficile, Le Devoir, 7 avril 2007, p. A-1 et François- Xavier SIMARD, Trudeau et la loi 101, Le Devoir, 28 août 2007, p. A7.
7 Hélène BUZZETTI, La Charte de l’exclusion?, Le Devoir, 10/04/2007, p. A1.
8 Voir pages 45 et s.

[Coloniser avec les lois démocratiques et dominer avec les lois coraniques]

C’est un signal d’alarme et notons que la nonchalance et l’aveuglement contribuent à faire le jeu des islamistes radicaux qui voient en plusieurs des ignares faciles à manipuler. Ils utilisent les règles du monde occidental pour mieux le combattre et rappelons ici les propos tenus, à Rome en 2002, par l’un des principaux dirigeants des Frères musulmans, le cheikh Youssef al-Qaradawi :

« Avec vos lois démocratiques, nous vous colonisons. Avec nos lois coraniques, nous vous dominerons. ».10

Dans un entretien, Jean-Louis Harouel précise qu’au nom des droits de l’Homme, un individu peut multiplier les revendications et les actions juridiques, en principe contre l’État de ce pays, mais en réalité contre le groupe humain du pays concerné.11

« L’application de droits individuels jadis conçus pour protéger un peuple contre les excès d’autorité de ses gouvernants devient dangereuse pour ce peuple quand des membres d’autres peuples se déversent massivement sur son territoire. Ils utilisent le principe de non-discrimination qui fonde la religion des droits de l’homme pour faire prévaloir leurs mœurs et leurs valeurs au détriment de celles du pays d’accueil, travaillant ainsi à le défaire, à le transformer en un autre pays ».
(…)
« C’est au nom des droits de l’homme et sous leur protection que l’islam a travaillé assidûment à introduire en France et dans les autres pays européens la civilisation arabo-musulmane, ses mosquées et ses minarets, ses modes de vie, ses prescriptions et interdits alimentaires, ses comportements vestimentaires, voire ses règles juridiques en violation du droit français : mariage religieux sans mariage civil, polygamie, etc. À travers une foule de revendications identitaires orchestrées par eux, les milieux islamiques et notamment l’UOIF, proche des Frères musulmans, ont utilisé les droits de l’homme pour contraindre sur le sol français les populations originaires du nord de l’Afrique au respect de l’ordre musulman et pour imposer cet affichage civilisationnel conquérant malgré le rejet de l’opinion publique. Les droits de l’homme permettent à un groupe identitaire installé au sein d’une nation, étranger à elle par les origines et les sentiments, de la combattre de l’intérieur, cherchant à s’emparer de son sol, à se substituer à elle. »12

9 Le Devoir, 31/01/2017, p. A4.
10 Revue des deux mondes, mars 2016, p.58.
11 C’est le cas dans l’affaire de la prestation de citoyenneté d’une femme avec un niqab. Voir page 52.

[L’État de droit devenu un danger et Charte facteur d’injustice et d’affrontement]

À l’heure des Chartes de l’individualisme, c’est l’État de droit qui est devenu un danger car il n’est plus un rempart contre la barbarie, mais un instrument à son service. Déjà, en 1984, Henri Brun13 avait clairement exposé les dangers que représente la Charte canadienne des droits en tant que facteur d’injustice et source d’affrontements et de conflits :

« Une Charte omniprésente, parce qu’interprétée dans l’abstrait et l’absolu, entraînera l’usure des droits qu’elle est censée servir. Plus encore, elle sera source d’une injustice croissante au profit des plus forts, des plus puissants, des mieux organisés et des mieux nantis, au lieu d’assurer d’abord et avant tout, comme elle se doit, la protection des plus vulnérables. Bien loin d’engendrer une Société plus juste, plus sécuritaire et plus douce, c’est une société d’affrontements et de conflits qu’elle favorisera, une société fondée sur la réclamation maximale des droits et l’accomplissement minimal des devoirs ».14

[Prétention et angélisme dans l’interprétation du multiculturalisme]

Soulignons le côté prétentieux et l’angélisme des juges canadiens dans l’interprétation de la doctrine du multiculturalisme, que les islamistes ne manquent d’ailleurs pas d’exploiter dans leur « djihad juridique ». À titre d’exemple, cet extrait pathétique et grandiloquent d’un jugement de la Cour suprême du Canada15 :
« Dans un pays multiethnique et multiculturel comme le nôtre, qui souligne et fait connaître ses réalisations en matière de respect de la diversité culturelle et des droits de la personne, ainsi qu’en matière de promotion de la tolérance envers les minorités religieuses et culturelles – et qui constitue de bien des manières un exemple pour d’autres sociétés –, l’argument de l’intimé selon lequel le fait que de négligeables intérêts (…) devraient l’emporter sur l’exercice de la liberté de religion des appelants est inacceptable. De fait, la tolérance mutuelle constitue l’une des pierres d’assise de toute société démocratique. Vivre au sein d’une communauté qui s’efforce de maximiser l’étendue des droits de la personne requiert immanquablement l’ouverture aux droits d’autrui et la reconnaissance de ces droits. ».

Mais y aurait-il de l’espoir? Se pourrait-il que l’angélisme et la cécité volontaire puisse être entamés? Si la jurisprudence est encore ancrée dans l’individualisme, des fissures qui laissent filtrer la lumière apparaissent.

13 Avocat et professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval.
14 Dans une étude destinée à la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du  Canada  ;  Les  Tribunaux  et  la  Charte,  Gouvernement  du  Canada,  Éditeur  officiel,  1984.  (Source :
L’Encyclopédie de l’Agora : agora.qc.ca.)

Dans l’affaire Bruker16 la Cour suprême du Canada précisait que « le fait d’invoquer la liberté de religion n’offre pas, en soi, l’immunité contre la nécessité d’apprécier le droit revendiqué en regard des valeurs ou du préjudice opposés ». Dans un article sur le sujet, Me Jean-Claude Hébert ajoute :

« Après avoir souligné le relativisme de la liberté de conscience, de croyance, de religion et de culte, la juge Rosalie Abella rappela qu’une société démocratique ne peut exister que si l’ensemble des citoyens accepte le caractère obligatoire de certaines normes fondamentales. Dès lors, les croyants ne peuvent prétendre à un droit automatique d’être soustraits, en raison de leurs croyances, aux lois du pays ».17

De plus, soulignons ce passage sur le recours abusif à l’argumentaire religieux à des fins culturelles et identitaires :

« On peut craindre un recours abusif de l’argumentaire religieux à des fins culturelles et identitaires. Pour un, le professeur J.-F. Gaudreault-Desbiens critique la définition, absolutiste et naïve selon lui, du concept de liberté de religion prôné par la Cour suprême.  À  son  avis,  le  droit  ferait  montre  « d’aveuglement  volontaire  envers  la complexité du contexte social entourant le recours, souvent politique, à l’argument religieux ».  L’auteur  appréhende  une  « fondamentalisation  de  toute  croyance  ou pratique qu’un individu associe subjectivement et sincèrement à la religion, par le truchement de leur consécration à titre de libertés fondamentales ».18

Enfin, sur cet espoir de renouveau dans l’interprétation parfois fantaisiste de la Cour suprême, notons les précisions de cette même Cour dans sa décision Carter19 sur l’aide médical à mourir (elle écarte une de ses décisions antérieures et relativise le principe du stare decisis) :

 « [44] La doctrine selon laquelle les tribunaux d’instance inférieure doivent suivre les  décisions  des  juridictions  supérieures  est  un  principe  fondamental  de  notre système juridique. Elle confère une certitude tout en permettant l’évolution ordonnée et progressive du droit. Cependant, le principe du stare decisis ne constitue pas un carcan qui condamne le droit à l’inertie. Les juridictions inférieures peuvent réexaminer  les  précédents  de  tribunaux  supérieurs  dans  deux  situations :  (1) lorsqu’une nouvelle question juridique se pose ; et (2) lorsqu’une modification de la situation ou de la preuve « change radicalement la donne »… »

16 Bruker c. Marcovitz, [2007] 3 RCS 607.
17 Jean-Claude HÉBERT, Les juges et la religion / Mise à plat de la liberté religieuse, Le journal / Barreau du
Québec, février 2008, p.10.
18 Ibid.

 [La droite raison commande que les droits individuels s’ajustent au bien public]

Peut-être y a-t-il sur le long terme de l’espoir mais, comme chez un patient atteint de maladie grave, il y aura toujours un risque élevé de rechute. Le changement s’impose donc et il faut agir. Dans le présent contexte, il est clair que le droit engendre la crise et que la nation subit la crise. Le bien public est le bien de tous et il est la suprême règle à suivre. Les droits individuels doivent s’y ajuster car, comme le suggérait Cicéron, la droite raison nous montre que certains devoirs s’imposent et qu’ils sont nécessaires à la pérennité de la société.

[Citoyenneté et idée d’appartenance commune s’estompent]

Avec des droits de l’Homme dévoyés auxquels s’associe le multiculturalisme, c’est l’idée même de citoyenneté qui s’estompe. Comme le souligne Rémy Libchaber, c’est une idéologie qui constitue
« la première idéologie juridique qui ne se soucie pas de la société, de son homogénéité, de son délicat vivre ensemble ».20 L’idée d’une appartenance commune fait place à une juxtaposition d’individus ne se définissant plus, selon la formule de Hannah Arendt, que par leur « droit à avoir des droits ».21 De son côté, le philosophe du droit Michel Villey, observait, dès 1983, que les groupes de pressions ont « pris l’habitude de calculer leurs droits sur la seule considération narcissique d’eux-mêmes et d’eux seuls ».22

[ FIN DE L'EXTRAIT ]

Le texte complet :

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