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lundi 25 juillet 2011

FUKUSHIMA ET GENTILLY-2


Voici un document qui traite du terrible accident à la centrale nucléaire de Fukushima, suivi d'un autre portant sur la centrale nucléaire de Gentilly que certains s'entêtent à vouloir reconstruire malgré qu'elle soit inutile, avec toutes les indications que ce serait un désastre financier qui paralyserait les investissements productifs en recherche.

Jean-Luc Dion, ing.



TECHNIQUES DE L'INGÉNIEUR
11 juillet 2011

Fukushima : des répercussions mondiales, en silence

Alors que la catastrophe de Fukushima ne fait plus la une de l'actualité, la contamination des milieux naturels se poursuit au Japon, sur terre comme en mer. Le niveau d'irradiation est aujourd'hui jugé inacceptable à plus de 60 km de la centrale, sans que l'évacuation soit obligatoire. Le point sur la situation. 
Le laboratoire de la CRIIRAD a effectué une mission au Japon du 24 mai au 3 juin 2011. Voici les constatations issues des premiers résultats d’analyse : les dépôts de césium radioactif sur les sols ont été très importants. Ils génèrent, et vont générer pendant longtemps, un flux de rayonnements gamma responsable de l’irradiation de la population sur des très vastes étendues. En l’absence de mesures de protection, des centaines de milliers de personnes vont recevoir, du fait de cette seule exposition externe, des doses de rayonnement très supérieures à la limite de 1 mSv/an. Il faut ajouter à cela l’exposition interne (du fait notamment de l’ingestion d’aliments contaminés) et surtout toutes les doses reçues depuis le 12 mars dernier, des doses qui ont été ont pu être extrêmement élevées au cours de la première semaine du fait de la quasi absence de mesures de protection.

Importance de la contamination à plus de 60 km : l’exemple de la ville de Fukushima

Les mesures de terrain et analyses de sol effectuées par le laboratoire de la CRIIRAD sur la ville de Fukushima, située à 60-65 km de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, indiquent que les retombées de césium 134 et 137 radioactif sont de plusieurs centaines de milliers de Bq/m² : 490.000 Bq/m² sur la pelouse de l’école primaire Moriai ; plus de 700.000 Bq/m² dans le quartier Watari.

En se désintégrant, les atomes de césium émettent des radiations gamma très pénétrantes. Elles peuvent parcourir dans l’air plus de 60 mètres, c’est ce qui a permis aux américains d’établir une carte des retombées au moyen de sondes héliportées. Ces radiations traversent également les murs et les fenêtres des habitations et irradient les gens dans leur domicile.

Fin mai 2011, les débits de dose relevés par la CRIIRAD dans la ville de Fukushima, à 1 mètre du sol, en extérieur, étaient typiquement plus de 10 fois, voire plus de 20 fois supérieurs à la normale (supérieurs à 1 et 2 μSv/h). L’irradiation est encore mesurable dans les étages des bâtiments. Des mesures effectuées au 4ème étage d’un immeuble ont montré un excès de radiation qui augmente lorsqu’on se rapproche des fenêtres (même fermées). A l’intérieur d’une maison individuelle du quartier Watari, la CRIIRAD a mesuré un débit de dose plus de 3 fois supérieur à la normale au contact du tatami dans la chambre des enfants (0,38 μSv/h) et 6 fois supérieur dans le salon à 1 mètre du sol (0,6 μSv/h). Devant la maison, on mesure, 2,2 μSv/h dans le jardin d’agrément et 2,9 μSv/h au niveau de la pelouse d’une école proche (mesures à 1 mètre du sol).

Cette irradiation ne diminuera que très lentement. Elle est due en effet principalement au césium 137 et au césium 134 dont les périodes physiques sont longues (30 ans et 2 ans respectivement). Cela signifie que la radioactivité du césium 137 sera divisée par 2 dans 30 ans. On peut estimer que dans les douze mois à venir, la radioactivité du césium 134 ne sera abaissée que de 30 % et celle du césium 137 de 3 %. La radiation ambiante ne sera réduite que de quelques dizaines de pourcents.

Si rien n’est fait, les habitants de la ville de Fukushima pourraient subir dans les douze mois à venir une irradiation externe de plusieurs milliSieverts alors que la dose au-delà de laquelle le risque de cancer mortel est jugé inacceptable par la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) est de 1 milliSievert par an, ce qui correspond à 5 décès pour 100.000 personnes exposées.
(...) Voir la suite.

Par Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire,
responsable du laboratoire CRIIRAD

Source : 
TECHNIQUES DE L'INGÉNIEUR

Un grave accident à Gentilly-2 ?

On peut se demander quel serait l'effet d'un accident à la centrale nucléaire de Gentilly s'il était du même genre que celui de Fukushima...

La carte ci-dessous montre la zone d'environ 60 km de rayon (comme à Fukushima) où l'exposition aux radiations aurait des effets mortels ou néfastes sur des centaines de milliers de Québécois et toutes les formes de vie.

Une bonne partie de la zone en rouge deviendrait invivable pendant des décennies et dangereuse pendant des siècles après un accident du genre Fukushima. Cette zone serait beaucoup plus grande si la centrale explosait...

Faibles rendements

On sait que cette centrale est relativement fiable, mais c'est à condition d'y investir des sommes fabuleuses pour le fonctionnement et l'entretien. Alors, on peut se demander quel est le rendement d'une centrale nucléaire ?  Les diverses sources indiquent qu'il est de l'ordre de 30%. Cela signifie que 70% de l'énergie nucléaire issue de la fission de l'uranium est gaspillée en chaleur dans l'eau du fleuve Saint-Laurent par notre centrale. En France, on se sert de tours de refroidissement dans l'air (source).

Pour une centrale d'environ 650 MW (mégawatts) électriques (puissance installée, ou puissance utile maximale, Gentilly-2), ceci correspond à une perte thermique de l'ordre de 1520 MW et à une puissance nucléaire de 2170 MW.

Chaleur gaspillée

Ces 1520 MW de chaleur inutile sont « évacués » dans l'eau du fleuve qui est ainsi plus ou moins réchauffée. Le débit de cette eau est d'environ 2 millions de mètres cubes par jour (source), soit environ 23 m3/seconde. Cette chaleur entraine une élévation de température de l'eau d'environ 66°C ! Cette énorme quantité d'eau chaude a un effet néfaste sur la vie marine en aval sur une distance de plusieurs kilomètres, mais on n'en parle plus... Ce gaspillage de chaleur est de 13,3 milliards de kWh par année...

Sachant que la consommation électrique annuelle moyenne d'une maison québécoise chauffée à l'électricité est de 28000 kWh (kilowatts-heures) (source). La chaleur perdue par Gentilly-2 correspond au chauffage de plus de 475 000 maisons !!! Cela illustre bien l'inefficacité des centrales thermiques. Cette chaleur est irrécupérable : on a déjà pensé chauffer des maisons et des serres dans le voisinage, mais la volonté et l'imagination ont fait défaut.

Les déchets radioactifs

Mais le principal problème des centrales nucléaires reste celui des déchets radioactifs pour lequel on n'entrevoit aucune solution d'une sécurité absolue qui serait acceptée par tout le monde. Jusqu'à maintenant, la centrale Gentilly-2 a produit environ 2500 tonnes de déchets radioactifs, dont suffisamment de plutonium 239 pour fabriquer plus de 100 bombes atomiques comme celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki... (source).

Il ne faut pas oublier que le plutonium 239, un des déchets les plus dangereux d'une centrale nucléaire, a une demi-vie de plus de 24 000 ans : après ce temps il en reste la moitié; après le double de ce temps il en reste encore le quart, etc... Quelques microgrammes (millionièmes de gramme) de Pu239 logés dans les poumons sous forme de poussière suffit à causer un cancer mortel à cause de la désintégration de type « alpha » qui détruit les cellules voisines. De plus, le Pu239 est un terrible poison.

Le Pu239 qui sert à fabriquer des armes infernales peut aussi servir dans un autre type de centrale nucléaire qui l'utiliserait comme source d'énergie de fission. Mais le retraitement des déchets radioactifs pour en extraire le Pu239 est un procédé long et couteux (source), et d'autres déchets dangereux sont ensuite produits après l'utilisation du plutonium...

Notre chance au Québec

Quand on sait que nous avons la chance de produire suffisamment d'énergie hydroélectrique pour satisfaire tous nos besoins et en exporter, il n'y a aucune raison sérieuse de vouloir reconstruire la centrale de Gentilly, si ce n'est pour éviter de faire de vrais efforts vers une solution acceptable et profitable à long terme.

Il importe de savoir que Gentilly ne peut produire qu'environ 1,4% de notre énergie électrique d'après le ministères des Ressources naturelles. Voyez le graphique ci-dessous
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    La source :  clic

Il faut de la vision...

Il semble que le manque de vision et d'imagination de nos décideurs serait la principale cause de cette obstination à vouloir engloutir pas moins de 10 milliards de dollars à moyen terme dans cette aventure.

Ces milliards seraient sans aucun doute bien mieux investis dans des programmes sérieux d'économie d'énergie, dans la recherche sur les techniques de pointe d'utilisation de l'énergie solaire sous toutes ses formes, où de nombreux ingénieurs et techniciens de Gentilly peuvent se recycler. D'ailleurs, on sait que la fermeture de la centrale va requérir un nombreux personnel pendant de nombreuses années. Alors ? Un peu d'imagination, d'intelligence et de volonté !

Jean-Luc Dion, ing. 

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LE DEVOIR  -  1910-2010
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« Ce qui nous laisse petits,
c'est la peur de devenir grands »
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