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lundi 12 avril 2010

PRÉNOMS ET ALIÉNATION CULTURELLE


Un tendance aliénante

En 1998, à l'occasion de la naissance d'un petit-fils et de la recherche de prénoms, j'avais été secoué en vérifiant les statistiques sur les prénoms donnés aux nouveaux petits Québécois. J'avais observé depuis quelques années que la fréquence des prénoms anglais avait nettement augmenté, mais j'ai constaté que la réalité était pire que je le pensais : plusieurs beaux prénoms français avaient complètement disparu !

J'avais alors fait une brève analyse de cette tendance aberrante, sachant que la minorité canado-britannique au Québec représente moins de 7% de la population selon les statistiques fédérales. Cette analyse est reproduite ci-dessous.

Une visite au site de la Régie des Rentes du Québec (RRQ) où sont compilées ces statistiques montre que la situation ne s'est pas amélioré, bien au contraire.

Or, d'une façon générale, le prénom est associé à la culture et à la nationalité d'une personne; il indique l'appartenance de cette personne. Si tu t'appelles Mohamed ou Bachir, tu es normalement de culture arabo-musulmane; si tu te présentes comme Vladimir ou Boris, je présumerai que tu es Russe, etc., et c'est bien comme ça.

Si tu t'appelles Bill, Tommy, Andrew, Steven ou William et que tu vis au Québec, tu devrais normalement être de la minorité britannique, ou encore un visiteur venant d'un pays anglophone. 

Quand des parents québécois de langue française en grand nombre affublent leurs petits de prénoms anglais, on peut conclure qu'il y a une anomalie, qu'il y a un glissement sinon une aliénation culturelle inquiétante pour l'avenir.

Tous les Québécois de la majorité devraient être bien conscients de ce fait.

Réagissons pour rétablir la normalité.



Les prénoms en vogue
ou « de l’aliénation culturelle au Québec »

Jean-Luc Dion [1]
Août 1998
Révisé en septembre 2003
L'anglomanie est présente partout, dans tous les secteurs de la vie.  Elle n'épargne rien ni personne. On connaît la tendance délirante des commerçants français et autres francophones européens à nommer leur entreprise «Little France Art Gallery», ou «XYZ Software», ou »DGH Quick Food», etc... Plus le nom est anglais et aliénant, plus ça fait "in" ou "cool", plus les gogos sont contents!
Au Québec, nous n'y échappons pas, et depuis longtemps: 238 ans de sujétion britannique et « canadian », c'est tout de même quelque chose !   Après le souffle de francisation et d’originalité qui a normalisé le paysage commercial après 1977, le sérieux démembrement de la Charte de la Langue française et le laxisme dans son application depuis quelques années ont engendré une tendance au laisser-aller qui inquiète. Cette tendance est assez significative des suites de deux défaites référendaires (1980 et 1995), accompagnées d’une intensification marquée de l'invasion étasunienne multiforme: invasion culturelle au cinéma (moins de 10% de films du monde francophone sur nos écrans), bilinguisation croissante de l’État, invasion commerciale (multiplication inouie des chaînes de restaurants et commerces étasuniens), invasion financière (près de 90% [200 milliards $can] des économies québécoises « confiées » bêtement à des financiers de l'extérieur qui retournent les miettes au Québec), etc., etc.
Une autre tendance est franchement ahurissante au Québec et n'a pourtant fait l'objet d'aucune note dans aucun journal, ni à la radio, ni à la télé. Il s'agit des prénoms que donnent les parents à leurs bébés. Le tableau qui suit, tiré de statistiques officielles,  est tout à fait éloquent et n'a pas tellement besoin de commentaires [2]. 
On sait toutefois que, selon les statistiques officielles, seulement 10% environ de la population du Québec est d'origine britannique et anglophone...
Au site internet de la Régie des Rentes du Québec, on trouve tous les prénoms masculins et féminins donnés aux nouveaux-nés québécois en 1996 et 1997. Je n'ai retenu pour fins de démonstration qu'un extrait significatif des statistiques des prénoms parmi les plus nombreux en 1997 qu’on retrouve dans le tableau adjacent.
Dans quelques années, il faudra donc chercher à la loupe les Michel (29), Jacques (12) [3], Stéphane (24), Luc (27), Pierre (23), Bernard (14) et André (16), les prénoms simples, beaux et classiques du monde francophone. Par exemple, l'auteur de cette note ne trouvera plus aucun homonyme né en 1997... Par contre, nous ne manquerons pas de Kevin et de Keven: il y en a eu 672 cette année-là !  D’autre part, certains prénoms très populaires au cours des dernières décennies, parmi de nombreux autres, sont totalement absents: Achille, Adolphe, Alban, Albéric, Alfred, Alphonse, Ambroise, Anatole, Aristide,  Armand, Auguste, Augustin, Aurèle, Aurélien, Aymé, Baptiste, Barnabé, Barthélémy, Basile, Beaudoin, Bernardin, Bertrand, Boniface, Camille, Casimir, Célestin, Clovis, Constantin, Cyrille, Damase, Damien, Désiré, Didier, Donat, Donatien, Edmond, Éloi, Ernest, Eugène, Fabien, Faustin, Félicien, Fernand, Ferdinand, Florent, Floridor, Fulgence, Gaétan, Gaspard, Gaston, Gérald, Gérard, Gilbert, Gilles, Gratien, Grégoire, Gustave, Guy, Harold, Hector, Henri, Hercule, Hilaire, Hippolyte, Honoré, Horace, Jacquelin, Jocelyn, Jules, Léon, Léonard, Lionel, Lucien, Ludovic, Marcel, Marcellin, Martial, Maurice, Noël, Normand, Paulin, Raoul, Raymond, Raynald, René, Roger, Roland, Serge, Victor, Yves, Yvon.
On n’en croit pas ses yeux devant un tel balayage !
Chez les filles, la situation est moins pénible, mais elle laisse fort à désirer. Toutefois, il semble y avoir nettement moins de prénoms féminins correspondants en français et en anglais.
Les Jennifer, Jessica et dérivés seront légion: 836. Les 879 Sabrina et Melissa réunies formeront un gros bataillon! Mais, les valeureuses Camille (633), Gabrielle (505), Catherine (478), Laurence (452), Maude (444), Amélie (457) ne s'en laisseront pas imposer, surtout si les Marianne ou Mariane (279), Valérie (277) et Justine (241) se joignent au cercle ! Elle ne pourront, hélas! pas compter sur les Bernadette, les Carmen, les Christiane, les Diane, les Fabienne, les Francine et Françoise, les Simone, les Annette et même les Denise et Yvette, sans parler des Jacynthe et des Jovette, qui ont complètement disparu. C’est une hécatombe !
Toutefois, malgré leur prénom si charmant, les Brigitte (14), Marjolaine (10), Liliane (12), Éva (18), Martine (13), Michèle ou Michelle (55), Nadine (16),  et les Marion (11) se sentiront bien seules devant les Kim (204), les Vanessa (184), les Samantha (149), les Kimberley (92) ou même les Megan (138)...!
Le problème n'est pas de retrouver quelques prénoms à consonance étrangère dans une population, cela a toujours été. Mais, il en est un de proportions qui sont croissantes, totalement anormales, aberrantes et culturellement aliénantes: comment peut-on concevoir qu’il y ait eu 23 FOIS PLUS de bébés appelés James etc. en 1997 que de bébés appelés Jacques [2] !  Le tableau suivant est très éloquent, surtout quand on considère que les Québécois de langue française sont environ 9 fois plus nombreux que ceux d'origine anglaise. Si l’on ajoute à cela le sérieux problème de dénatalité (<1,5 enfant/couple), il ne fait pas de doute que les « héritiers de Durham » qui rêvent de régler le problème du Québec français une fois pour toutes doivent se frotter les mains d’aise... Un véritable cas d’aliénation culturelle.
Qui a déjà dit que les noms reflétaient l'âme d'un peuple et méritaient le plus grand respect ?
[1]    Ingénieur physicien et professeur retraité (1997) de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Département de Génie électrique.
[3]    En 1998, AUCUN petit Québécois n’a reçu les beaux noms de Jacques ou de
        Bernard!  Par contre, il y a eu 357 Jacob/Jakob/James...
◊ ◊ ◊ ◊ ◊

Nombre de prénoms donnés au Québec en 1997  -  Extraits  
Prénoms français et anglais correspondants
Rapport des deux types


FRANÇAIS


N

ANGLAIS

N

Rapport A/F
pondéré (*)
Geoffroy
0
Jeffrey + Jeff
142
Infini
Jacques
12
James + Jake + Jimmy
278
232
Michel
29
Michael + Mikael + Mike
659
227
Stéphane
24
Steven + Steve + Steeven +...
236
98
André
16
Andrew + Andy
144
90
Jean
17
John + Johnny
55
32
Luc
27
Luca + Lucas + Luke
75
28
Jérémie
232
Jeremy
482
21
Christophe
121
Christopher
232
19
Guillaume
483
William
864
18
Thomas
254
Tommy + Tom + Tomy
408
16
Antoine + Antonin
537
Antony + Anthony
592
11
- - - - - - - -

- - - - - - - - -


Claire
0
Clara
39
Infini
Alice
73
Alyson + Alyssa + Alysson +...
440
60
Élisabeth
135
Elizabeth
171
13
Christine
40
Christina
76
19
Émilie
424
Emily + Emie + Emmy +...
291
7

(*)  Considérant que la minorité canado-britannique compte
      pour environ 9% de la population du Québec.

Autres références sur l'aliénation culturelle
« Attribution des prénoms : un révélateur des stratégies de vie et d’intégration sociale», Afrikara, 2006, (un point de vue africain).

« Le cas est encore plus net dans les pays dominés et leurs diasporas, où le prénom peut signaler une stratégie de fonte, d’intégration, à la limite de dissimulation des origines.
On fera par exemple précéder un prénom chrétien, occidental d’un prénom musulman ou africain :

Jean Amadou, Louis Moussa, …cette séquence pouvant ressortir à un métissage de cultures, la culture dominante restant souvent la plus visible, repérable dans l’ordre des prénoms. On espère ainsi passer les barrages superficiels s’arrêtant au prénom usuel, le premier en règle générale.»

«L’aliénation culturelle est en marche. Elle consiste à amener les natifs non anglophones
(au moins 92% de l’humanité) à penser dans une langue qui n’est pas la leur. L’aliénation, c’est l’état d’un individu devenu ou rendu inapte à se connaître soi-même. L’aliénation le prive de ses racines, de son passé, de la mémoire et du patrimoine culturels de l’entité à laquelle il appartient.

Faire en sorte que l’individu devienne comme étranger à lui-même et tombe dans un état de dépendance, c’est lui offrir deux chaises et l’inviter à s’asseoir entre les deux. L’aliénation hypothèque son avenir et plus encore celui des générations qui, trop tard, découvriront un bien triste héritage après la disparition des coupables.

Le Petit Robert reprend la définition philosophique suivante de Hegel et de Marx sous le mot allemand «Entfremdung» :

« État de l’individu qui, par suite des conditions extérieures (économiques, politiques, religieuses), cesse de s’appartenir, est traité comme une chose, devient esclave des choses et des conquêtes même de l’humanité qui se retournent contre lui.» 
Socrate disait : “Connais-toi toi-même !”.

Aujourd’hui, parents d’élèves, enseignants et autorités de l’éducation sont incapables de s’indigner face au processus d’aliénation qui conduit une partie de la jeunesse à s’ignorer elle-même et à singer ce qui lui semble être au dessus de tout (“USA über alles !” = Les États-Unis au-dessus de tout !).

Ce processus est déjà lancé. L’une de ses manifestations les plus visibles, dans laquelle la crétinisation et mercantilisme vont de pair, a les traits hideux d’Halloween.

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