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vendredi 17 décembre 2010

COMPLÈTEMENT DANS LE CHAMP...


Il faut lire cet article sur deux sujets importants que nos responsables politiques évitent comme la peste.

Pourtant, il faudra très prochainement rétablir la justice et l'équité : certains pays ont fait la révolution pour moins que ça !

Jeudi, 02 décembre 2010 | 
Écrit par Patrick Bourgeois   

Sortie fracassante aujourd’hui du député péquiste Sylvain Simard contre la décision de l’entêté et obstiné gouvernement Charest d’aller de l’avant avec son projet de PPP dans le dossier du CHUM.  Ni plus ni moins, le député Simard accuse le gouvernement d’avoir pipé les dés.
(...)
Dans ce dossier, le PQ ne cesse d’éviter le problème fondamental, et depuis des années maintenant. Parce qu’il est nécessaire de répéter et répéter, je vais le redire une nouvelle fois.  Il est proprement scandaleux que le Québec finance à même ses fonds publics la construction de deux méga hôpitaux universitaires à Montréal, l’un pour les anglophones et l’autre pour les francophones.  Le Québec n’a pas les moyens de financer ces deux projets qui devraient coûter, au bout du compte, au moins 5 milliards$ aux Québécois ;  et ce, sans considérer les dépassements de coûts qui surviennent toujours dans de tels chantiers.
(...)
Il faudra bien en finir un jour ou l’autre avec le surfinancement des institutions anglophones au Québec.  La communauté anglophone ne représente même plus 10% de la population au Québec.  La justice la plus élémentaire voudrait qu’on leur accorde 10% des budgets servant à financer les institutions du Québec.  Mais non !  Toujours, on coupe la poire en deux.  Et hop ! 50% du budget pour leur nouveau méga hôpital universitaire de McGill... Et on ne parle pas ici du -surfinancement- des universités anglophones du Québec! Un scandale que tout ça !
(...)
[Cliquer sur le titre ci-dessus pour lire l'article]
Un simple calcul en arrondissant les chiffres : si le 10% d'anglophones de la population reçoit 50% du budget pour une hôpital universitaire alors que le 90% de francophones reçoit aussi 50%, cela signifie tout simplement que la minorité canado-britannique récolte 9 fois plus par personne que la majorité, tout simplement !

Dans le cas du financement des université, cette minorité reçoit près de 2,9 fois plus que la majorité de langue française car elle reçoit régulièrement 23-24% du budget [*]... Et on parle d'augmenter les frais de scolarité ?

Pourtant, personne au parti n'ose parler de cette saloperie fondamentale.


Vraiment triste car nous n'allons nulle part de cette façon...


Trouverons-nous le courage élémentaire de faire bientôt cesser cette escroquerie scandaleuse ? 


Et dire que des groupes extrémistes anglo-saxons ont le culot d'accuser la majorité québécoise de nazisme, fascisme, fanatisme et de tous les « ismes »... (voir le site suivant pour être édifié par du vrai fanatisme  : -Hang French Nazis-.)

Note :  si ce dernier lien ne fonctionne pas, chercher parkavenuegazette.com avec votre outil de recherche, Google ou autre. Ce site est banni de certains serveurs...

[*] Les données budgétaires se trouvent sur le site du gouvernement québécois.

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« Le Québécois est une créature accommodante.
Toujours prêt à s’entendre, à faire un compromis.
Il ne parle ni de politique, ni de religion à la table.
Normal : il ne veut « pas de chicane dans sa cabane ».
Et s’il lui arrive de se fâcher en se disant qu’« il y a bien des limites »,
il se ravise peu de temps après pour se convaincre
qu’« il y a toujours moyen de moyenner ».

S’il y a une chose d’exaspérant dans la culture québécoise,
c’est bien cette sainte tiédeur qui passe pour une gentillesse proverbiale.
Elle vient avec une charmante douceur de vivre ? Peut-être.
Mais elle n’est pas étrangère à une certaine médiocrité
dans laquelle nous finissons par nous complaire.
Qu’est-ce qu’un débat au Québec ?
Une façon pimentée de mimer un désaccord avant de se réconcilier.

Tout cela s’explique historiquement.
Un peuple longtemps dominé a fait du consensus une seconde nature.
Il n’a jamais pris conscience du caractère
fondamentalement positif d’un conflit civilisé sainement assumé.
Il n’a jamais reconnu non plus que le consensus
qui le protège a tendance à l’asphyxier.
On aurait souhaité de la Révolution tranquille
qu’elle nous délivre de ce travers. »


La sainte tiédeur

Mathieu Bock-Côté, 24h, 8 décembre 2010, p.4

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LE DEVOIR  -  1910-2010
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DEMAIN – Hymne au Québec
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« Ce qui nous laisse petits,
c'est la peur de devenir grands »

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lundi 29 novembre 2010

LE POINT DE BASCULE


Un constat et une hypothèse aux lourdes conséquences...

« Le gouvernement de Jean Charest constitue le plus complet aboutissement de l’ère post-référendaire. Il nous donne là les fruits les plus toxiques de ce que devient la vie nationale quand elle perd son centre de gravité. Le Québec de la corruption, c’est celui de la dérive inévitable d’une nation qui s’étiole parce qu’elle n’a plus rien de ce qu’il lui faut pour tenir sa cohésion nationale: ni projet, ni valeurs suprêmes pour inspirer et maintenir sa vigilance démocratique, ni conscience forte d’elle-même pour soutenir la vitalité de ses institutions et leur faire porter l’intérêt supérieur de la nation. » (...)

Réagissons avant que ceux qui ne veulent pas d'un Québec debout tentent l'écrasement final.


LE POINT DE BASCULE
Robert Laplante
Éditorial

Novembre - Décembre 2010
Nous baignons dans ce que Gaston Miron appelait «notre empois de mort». Le Québec des libéraux, le Qué-Can du minoritaire cocu content, n’inspire plus qu’un immense haut-le-cœur. Notre premier sous-ministre aura donc réussi à surpasser tous les encanteurs qui l’ont précédé. Alors que ses thuriféraires s’acharnent à tapisser les murs des centres de congrès de photos de Robert Bourassa, c’est bien plutôt Alexandre Taschereau que l’indigne député de Sherbrooke surpasse, et de loin. On ne s’étonne même plus de l’entendre pérorer sur la corruption et les manquements à l’éthique pendant qu’il continue toujours de toucher son salaire du Parti libéral, à même un budget auquel on ne sait même pas s’il est le seul à émarger au bilan des bonnes œuvres des entrepreneurs en construction qui font la file aux portes de la permanence du Parti.
On ne s’étonne plus de rien, de fait, tant la réussite est complète. 


Le numéro
Novembre-Décembre 2010
paraîtra le 6 décembre 

Après le décrochage civique et le taux d’abstention record de la dernière élection, après la surréaliste campagne électorale de Montréal où l’on a vu primer le rejet féroce de tout ce qui a l’air d’avoir eu trace de loyauté au Québec sur tous les scrupules à l’égard de la corruption.
Après la multiplication des signaux dans le monde municipal où la démocratie n’est plus qu’un simulacre dans un nombre effarant de villes et villages.
Après les prouesses de Tomassi et de ses engeances au bord des pompes à essence et dans le réseau des garderies.
Après les ventes douteuses des droits d’exploration du gaz et pétrole dans le golf et pour Anticosti par des dirigeants d’Hydro-Québec qui prennent sur eux d’aliéner le patrimoine national.
Après la grande braderie des droits d’exploration sur le reste du territoire pour faire du gaz de schistes le plus odieux scandale et le moyen le plus sûr de nous jeter dans les griffes du grand capital qui ne reculera devant aucun saccage.
Après l’incroyable gâchis des deux mégacentres hospitaliers universitaires et la consécration des privilèges d’apartheid pour l’université McGill et son PPP pharmaceutique, pour ses diplômes à 30 000 $ par année et pour son surfinancement structurel.
Après toutes les pirouettes hypocrites pour continuer de vendre les droits linguistiques et maintenir les écoles passerelles.
Après la mascarade de la commission Bastarache qui n’aura servi qu’à détourner l’attention et masquer les scandales dans la nomination des juges.
Après tout ce qu’on nous prépare comme simulacre pour faire semblant de nettoyer le secteur de la construction et pour tout mettre en œuvre pour nier ou rendre opaque toute analyse des systèmes de collusion qui servent le financement des partis politiques.
Après l’inique budget Bachand et ses mesures régressives qui feront payer un impôt santé pour mieux accélérer la marchandisation des soins et l’accroissement des inégalités.
Après les attitudes démissionnaires et le refus de faire une vraie bataille pour toucher les 2,4 milliards de dollars qu’Ottawa devrait nous verser au titre de l’harmonisation de la taxe de vente.
Après toutes les manœuvres pour hausser les frais de scolarité et réduire les horizons de la jeunesse à instruire.
Après tous les renoncements à se tenir debout devant Ottawa pour mieux consentir à retourner contre les Québécois eux-mêmes les conséquences des injustices que ce gouvernement choisit de ne pas combattre.
Après la démission devant l’odieuse lâcheté qui a laissé Ottawa soutenir à même nos impôts l’industrie automobile ontarienne et laissé des miettes aux travailleurs de l’industrie forestière.
Après le silence coupable devant les choix de Stephen Harper qui augmente les budgets militaires à coups de dizaines de milliards pendant que nos finances souffrent.
Après tous les après, il ne restera plus que cette grande réussite, le plus haut fait de l’autodénigrement: la nausée comme projet de société.
Le gouvernement de Jean Charest constitue le plus complet aboutissement de l’ère post-référendaire. Il nous donne là les fruits les plus toxiques de ce que devient la vie nationale quand elle perd son centre de gravité. Le Québec de la corruption, c’est celui de la dérive inévitable d’une nation qui s’étiole parce qu’elle n’a plus rien de ce qu’il lui faut pour tenir sa cohésion nationale: ni projet, ni valeurs suprêmes pour inspirer et maintenir sa vigilance démocratique, ni conscience forte d’elle-même pour soutenir la vitalité de ses institutions et leur faire porter l’intérêt supérieur de la nation.
C’était là un objectif de la guerre idéologique lancé contre notre peuple autour du référendum de 1995 et surtout après. Pour casser le Québec, il fallait brouiller ses repères identitaires, semer le doute sur ses réalisations en salissant ses institutions pour mieux saper la confiance en soi. C’est à quoi aura servi le programme des commandites et tout ce que la commission Gomery – fabuleux succès de désinformation – aura permis de ne pas savoir des manœuvres du Conseil de l’unité canadienne et autres instances encore plus douteuses lancées à coups de dizaines de millions sur le sabotage sociétal.
Pour casser le Québec, il fallait surtout instrumentaliser toutes les forces qui avaient fini par renoncer au Québec lui-même en se faisant les inconditionnels du Canada. Il fallait pouvoir compter sur une élite qui n’hésiterait devant rien pour éroder tout ce qui peut ressembler à la formulation de l’intérêt national. Et surtout pour déclencher la curée c’est-à-dire pour légitimer tous les affairismes. Car le rapport de domination qui pèse sur notre peuple passe nécessairement par la régression dans les logiques minoritaires et par le recours à la création de fiefs de toutes sortes sur lesquels peuvent régner les barons ethniques essentiels aux  engrenages de la normalisation provinciale. C’est d’une logique qu’il s’agit ici, d’un effet de domination dont la corruption n’est qu’une composante, un simple débordement de l’instrumentalisation d’une élite qui s’engraisse à gérer la dépendance.
La régression minoritaire ne peut se traduire ici que par l’instrumentalisation des partis politiques qui servent à casser l’expression de la nation comme entité démocratique. Le canadian nation building ne peut se réaliser sans l’érosion de la vie nationale comme foyer de notre démocratie. C’est pourquoi la lutte à la corruption ne suffira pas. Si elle se déploie si salement ici, ce n’est pas seulement comme expression d’une perversion propre à n’importe quelle société normale en proie au laxisme moral et au relâchement éthique, c’est aussi parce qu’elle consacre un étrange et bien odieux mariage, celui de l’adhésion à un régime qui pour tenir a besoin de faire jouer à fond les distorsions de ses institutions démocratiques.
Le Parti libéral ne peut être utile au maintien du carcan canadian qu’à la condition de tout mettre en œuvre pour créer et entretenir les logiques sociales, culturelles et économiques susceptibles de faire jouer les minorités de blocage. C’est là plus que n’importe où ailleurs qu’il faut chercher ses féroces résistances à toute modification du mode de scrutin. Pierre Serré a montré en nos pages à de nombreuses reprises comment le mode de scrutin, et la concentration des votes ethniques qu’il rend possible, sert à fausser l’expression politique de la majorité et du coup, à installer la gouverne et les débats qu’elle entretient dans un univers qui décroche de plus en plus des courants et tendances qui devraient faire la vitalité de notre démocratie.
La corruption ne sera pas le plus sale héritage du gouvernement Charest. Le plus lourd des pertes que nous vaudra ce noir épisode est à venir. Sur le plan matériel évidemment puisque ce parti n’a désormais plus rien à perdre, il faut s’attendre à le voir pratiquer la terre brûlée: les idéologues du marché, qui s’y font instrumentaliser par ignorance ou consentement à la logique de domination dans laquelle ils servent, ne reculeront devant rien pour achever de liquider tout ce qui pourra rester d’incarnation de l’intérêt national et les inconditionnels du Canada, qui font primer le lien canadian sur toute loyauté au Québec, n’en finiront plus de s’étendre sous la carpette pour laisser le champ libre à Ottawa. Ce que ce gouvernement laissera, c’est le dégoût de nous-mêmes, le doute sur nos institutions dont il aura perverti la logique nationale au point de ne laisser qu’un champ dévasté par la médiocrité, les mauvaises performances et les résultats désastreux. Il aura accompli sa mission historique de normalisation, il aura moulu les aspirations nationales et nous aura enlisés dans un gâchis matériel et psychologique qui accaparera l’essentiel des énergies.
Gouverner la province ne signifiera plus désormais que combattre le chaos au beau milieu d’un réseau de combines en tous genres montées pour dresser, contre l’intérêt national, un conglomérat d’intérêts particuliers plus ou moins légitimement instaurés à grand renfort de contrats à long terme et PPP toxiques. L’inextricable écheveau tissé à même les institutions effilochées tiendra lieu désormais de cadre de gestion et ils seront nombreux parmi ceux-là mêmes qui auront laissé faire pour ne pas rompre avec le Canada à se tourner vers Ottawa pour tenter d’échapper à l’asphyxie de la vie provinciale que la destruction de la cohésion nationale aura transformée en nid de vipères.
C’est cela qu’avait entrevu Pierre Vadeboncoeur dans ses derniers écrits alors qu’il évoquait la nécessité à laquelle les Québécois seront confrontés de jouer leur destin dans un contexte qui ne laissera de place qu’à la radicalisation des choix. La louisianisation ne se fera pas dans l’allégresse. Pour y échapper, il faudra rompre avec l’ordre et les logiques qui nous y poussent. C’est dire qu’il faudra enfin se résoudre à trancher dans certaines de nos ambivalences les plus confortables, les plus nocives. Le rendez-vous qui se pointe à l’horizon n’est pas référendaire, il est existentiel.
Avec son acharnement – et la jubilation toute provinciale d’une trop grande partie de sa députation qui trépigne à la vue des limousines ministérielles – le Parti québécois s’en tient encore à se penser dans l’alternance du pouvoir. C’est une erreur stratégique majeure: qu’il le veuille ou non, il est condamné à s’inscrire dans l’alternative sans quoi il risque de périr avec ses idéaux dans l’atmosphère chargée des cendres de la politique de la terre brûlée que pratique ce gouvernement du renoncement national. Le prochain mandat électoral ne sera pas celui de l’assainissement des mœurs et du nettoyage qu’on s’imagine. S’il n’est pas celui de la mise en œuvre des conditions d’affranchissement, il conduira inéluctablement un éventuel gouvernement péquiste velléitaire dans les marécages putrides de la politique des lamentations, du rapetissement de nos moyens et du rétrécissement de nos horizons. C’est à cela que le condamne le cadre provincial du paysage dévasté que lui laissera le gouvernement Charest.
Dès le premier jour, la «gouvernance souverainiste» sera sous perfusion. Parce que l’action combinée des mesures de déstabilisation qu’Ottawa va poursuivre et de l’accumulation des problèmes induits par un héritage libéral empoisonné placeront le Québec tout entier dans une insoutenable tension. Et l’on sait déjà comment cela va tourner: il s’en trouvera toujours pour dire que les «vraies affaires» commandent de répondre d’abord aux urgences et gouverner ne signifiera plus que se désâmer à tenter de colmater les brèches. Ce qu’il faut regarder en face dans le prochain mandat électoral, ce n’est pas une gouvernance à conduire parallèlement à une entreprise de nettoyage, mais bien un projet de gouvernement pour casser le régime et les logiques dans lesquelles il a fini par amener même les plus généreux et les plus convaincus à se penser dans l’incohérence des logiques tordues qu’ils confondent avec le pragmatisme.
Il faudra s’arracher. Il faudra rompre. Il faudra une politique qui conduise à la radicalisation requise. Cela se prépare. Il faudra trimer infiniment plus dur que ne le fait ce parti avec la matière de son congrès. Il lui faudra s’accorder avec une lecture intransigeante de notre situation nationale, réaliser enfin que sans un effort de démocratisation radicale, il restera prisonnier de la logique dans laquelle les idéaux de la majorité sont captifs d’un système de représentation qui les étouffe en rendant impossible la réalisation de toute politique nationale. Il faudra établir le scrutin proportionnel dans les plus brefs délais, c’est le seul moyen de casser la machine infernale qu’a mis en place le Parti libéral, ce parti ethnique ouvert à toutes les compromissions pour maintenir le carcan canadian en entretenant les minorités de blocage que produit l’actuel mode de scrutin. Ce serait un geste fondateur: l’établissement d’une logique nationale au cœur même du politique. Il y a fort à parier que le Parti libéral ne s’en remettrait pas. Ce ne serait pas le moindre des effets bénéfiques, mais là n’est pas l’essentiel.
Car ce n’est là qu’une condition préalable à réaliser pour que le nettoyage soit réellement efficace et pour que la vigilance démocratique puisse devenir fonctionnelle. Il faut découpler les escrocs des amis du régime. Les élites corrompues se retrouvent trop majoritairement dans le même camp, cela ne correspond à rien de ce que nous savons de la déviance dans les sociétés «normales». La corruption ici, est une affaire de régime au moins autant que de mœurs.
Il faudra plus. Beaucoup plus. À commencer par une vérité du propos que rien dans le babillage médiatique ne laisse entrevoir et qui ne manquera pas de choquer, de heurter. Pour faire appel au dépassement, il faudra en finir avec la pensée molle et les idées reçues. Les Québécois ne prennent pas bien la mesure des périls qui les guettent et des lendemains que leur ont préparés les sept années de la grande braderie libérale. Et cela n’a rien à voir avec ce que nous servent les courtiers en morosité et autres savants déclinologues du futur provincialisé. Redonner la perspective nationale ne se fera pas sans douleur, certes, mais là n’est pas le plus névralgique. L’essentiel, il se trouve dans la redéfinition des possibles, dans une relecture de notre situation qui nous fera voir que notre énorme potentiel n’est menacé que par notre propre consentement à la servitude.
Retrouver la confiance en soi pour relever les plus grands défis, cela ne peut se faire dans les imprécations et les appels à se soumettre à la fatalité d’un prétendu réel. N’en déplaise à tous ceux-là qui jouent les Cassandre, c’est par un programme législatif et de grands projets qui forceront le jeu que cela pourra advenir. Il ne s’agit pas ici de s’imaginer des lois conçues exprès pour provoquer et nourrir la confrontation, comme le laissent trop candidement entendre nombre de ténors péquistes. Il faut plutôt d’authentiques réponses aux aspirations, conçues non pas en fonction de la logique hétéronome (qui se base sur des règles reçues de l'extérieur) des relations fédérales provinciales et des conflits de juridiction, mais bien en phase avec les exigences nationales elles-mêmes. Il faut donc des projets audacieux et pensés pour eux-mêmes, sans arrière-pensée de négociation, servis par des idéalistes déterminés et capables de faire appel à ce qu’il y a de meilleur en chacun. Des projets pour réaliser le Québec et non pour le mettre en tension avec le Canada ou encore pour préparer un quelconque ressac utile au marketing pré-référendaire.
Ces projets doivent matérialiser des appels au dépassement pour s’inscrire dans le registre de la transformation du monde. Il y en a, il y en a même de grands qui se formulent un peu partout dans le Québec qui ronge son frein en s’échinant à réduire l’échelle de ses propres réalisations. Ce Québec qui ronchonne en se disant qu’on pourrait faire tellement plus, tellement mieux si seulement on, si encore il y avait, à condition que, que cela serait bien, mais que les politiciens n’oseront jamais… Ce Québec de l’audace rentrée et de l’inutile retenue, c’est celui-là que la gouverne d’un authentique gouvernement souverainiste devrait délester de la résignation minoritaire que les libéraux ont inscrite dans les finances de l’État, dans le rétablissement des privilèges des institutions anglophones et dans la désarticulation des logiques institutionnelles qui rend de moins en moins possible l’action concertée et l’effort national.
Nous avons le talent, nous sommes capables. Nous savons aussi que ceux et celles qui doutent ne demandent pas mieux que de contribuer à quelque chose qui les affranchira et du doute et de ce qui les a conduits à douter et d’eux-mêmes et de nous. Il faut en convenir, c’est là une voie étroite. Le Québec est engagé, qu’il le veuille ou non, sur le chemin des passes dangereuses, pour reprendre ce merveilleux titre de la pièce de Michel-Marc Bouchard. On ne s’en désolera pas. C’est à ce prix que nous devons conquérir ce qui nous poussera à la hauteur des idéaux qui ont conduit notre peuple jusqu’ici. L’abnégation de la survivance aura au moins servi à cela: nous avons toujours su grandir contre l’improbable.
Mais la difficulté avec l’autodénigrement et le décrochage civique, c’est que l’érosion de la confiance dans le politique et dans la classe politique brouille les distinctions qui devraient permettre de séparer la formulation des problèmes de l’élaboration des solutions. C’est un défi redoutable qui est ici posé au Parti Québécois dont les hésitations, la faible ardeur au combat et les maladresses ne cessent de saper la crédibilité, même s’il a de fortes chances de former le prochain gouvernement. Le passé n’étant pas à cet égard la meilleure des références, il reste à souhaiter que la situation propulse les acteurs à la hauteur des rôles qu’ils seront appelés à jouer. 

Le Québec approche d’un point de bascule.
 

 SOURCE :  L'Action Nationale 


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Les grands Labours
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VIGILE.net
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L’AGORA
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L’AUT’JOURNAL
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L’ACTION NATIONALE
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IMPÉRATIF FRANÇAIS
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LE DEVOIR  -  1910-2010
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DEMAIN – Hymne au Québec
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« Ce qui nous laisse petits, c'est la peur de devenir grands »
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mercredi 24 novembre 2010

LE DOMAINE DU MAITRE...



Le domaine Sagard, du Maitre de Jean Charest et de Nicolas Sarkozy, et sans doute de nombreux autres.......





Une histoire à vous faire rêver,
rédigée par un journaliste de La Malbaie.

Cette bicoque appartient à Paul Desmarais !
George Bush père, Bill Clinton, Jean Chrétien, Lucien Bouchard, Paul Martin, Nicolas Sarkozy, Sarah Fergusson, Martin Cauchon, Paul Martin et Juan Carlos sont invités au domaine de Paul Desmarais de Sagard, dans Charlevoix. L'accès est interdit aux journalistes ; alors on se rend voir les autochtones maires et hommes d'affaires relatant les bienfaits de la présence de Paul Desmarais dans la région.
Vraiment indigeste. Bien sûr, pas d'enquête de Michel Morin ou d'autres journalistes de Radio Canada sur les dessous de cette propriété. Il ne faut pas déranger Paul Desmarais, le maître de Power Corporation, si l'on veut garder son emploi. Mais, question combien peut bien coûter un domaine de 21 000 acres (85 km carrés) ? Très cher, sans doute. Pourtant...
L'histoire est simple et on peut en trouver le détail dans les archives publiques et les journaux
• La Canada Steamship Lines achète le domaine de Sagard, le 8 janvier 1974 en l'échange de « considérations ».
• La Canada Steamship Lines cède à son tour la propriété à Power Corporation le 10 novembre 1976 au coût de 1 $. - évidemment la CSL appartient alors à Power Corporation depuis 1966 et son président est Paul Martin (un invité !) depuis 1974 .
• Puis, le 18 juillet 1988, Power Corporation en cède la propriété à Paul Desmarais au coût, encore une fois, de 1 $.
• Mais, en 1990, Paul Desmarais vend à son tour la propriété à une obscure société, Polprim Inc., cette fois au coût de 1 028 000 $. Les membres du conseil d'administration ne sont nuls autres que Paul Desmarais (président), André Desmarais (trésorier), Paul Desmarais Jr. (secrétaire) et Jacqueline Desmarais (administratrice).
En somme, un territoire de 21 000 acres (85 km carrés) que nous avons donné à ces milliardaires...
.Les habitants de Montréal se plaignent de la hausse des taxes municipales avec le nouveau rôle d'évaluation.
Faites comme Paul Desmarais achetez pour un 1 $ un domaine de 85 km carrés érigé sur un territoire non organisé (TNO), exempt de toutes les taxes municipales.
En 1998, avant les « rénovations », la valeur de la propriété était estimée à 7 746 000$. Aujourd'hui on parle de près de 40 millions de dollar. Des revenus de taxes non perçus et que la MRC de Charlevoix-Est ne cherche même pas à percevoir qui seraient bienvenus au petit village limitrophe de Saint Siméon où le taux de chômage en période hivernale atteint 40%.
Bravo pour l'égalité et l'équité ! Et le maire de Saint Siméon est tout heureux de la situation !
Autre élément intéressant, l'aéroport de Saint Irénée communément appelé « aéroport Paul Desmarais ». Alors qu'un aéroport comme celui de Saint-Hubert a toutes les difficultés du monde à obtenir des fonds, le petit aéroport de rien du tout de Saint Irénée obtient des subventions du gouvernement fédéral, du ministre Martin Cauchon (un invité !), alors ministre du Développement régional, afin de se revamper au coût de 5 millions de dollars. Il faut bien un aéroport pour les invités !
Bien sûr, la fille de Jean Chrétien (un invité !) est mariée au fils de Paul Desmarais. Il n'y a évidemment aucun rapport entre les deux éléments. De plus, notons que des avions gouvernementaux ont été réquisitionnés pour la circonstance afin de transporter les invités de Paul Desmarais et, il va de soi, aux frais des contribuables.
À tous ces gens, je dirais les mots de Sylvain Lelièvre :

    « Votre intérêt n'est pas le nôtre. Et sachez bien que nous savons »
CHRISTIAN HARVEY (journal Le Couac)
Voici ce qu'on trouve sur la Toile :
Paul Desmarais a fondé Power Corporation en achetant l'entreprise familiale de transport pour 1 $. Au premier trimestre de 2010, Power a déclaré des revenus de 8,99 milliards$ et un bénéfice net de 224 millions$.
* Il y a quelques années, la famille Desmarais a fait un impressionnant don de deux millions de dollars à la Fondation du Centre hospitalier Saint- Joseph de La Malbaie, le plus important de l'histoire de cet hôpital.
Ne perdez pas de vue que son domaine fut exempté de taxes à la municipalité de St Siméon, aujourd'hui, y a-t-il eu des amendements, je l'ignore.


Mais ! Où peut bien se trouver ce
« Versailles en Québec » ???


Ici CLIC




Voir aussi :
  • http://lautjournal.info/articles-mensuels/307/foi-de-power-ne-discute-pas-affaires-sagard
  • https://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201205/31/01-4530520-lopposition-se-questionne-sur-la-video-danonymous-a-sagard.php
  • https://www.youtube.com/watch?v=M7OlFp_9U_E&t=20s
NOTE : les documents d'archives correspondant à des liens initiaux sont maintenant disparus pour des raisons inconnues...
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UN EXTRAIT DE « DERRIÈRE L'ÉTAT DESMARAIS », par ROBIN PHILPOT
© Les Éditions des Intouchables, Robin Philpot, 2008
ISBN: 978-2-89549-336-5 
 Chapitre 10
La poule aux œufs d'or : la Consolidated-Bathurst
Chaque marigot a son crocodile.
Monsieur crocodile a toujours faim.
Proverbe africain

Avril 1982 : ouverture d'un sommet économique, la situation économique est grave, très grave. Le secteur public était très mobilisé, et au moins un syndicaliste de la CSN a dépassé les bornes dans les manifestations en traitant René Lévesque de « boucher de New-Carlisle ». Au moment où il se faisait affubler de cette insulte suprême l'assimilant au boucher nazi de Lyon, Klaus Barbie, alors en procès en France, l'ancien premier ministre du Québec était dans les faits en train de diriger une partie du budget québécois vers la relance de l'économie québécoise et notamment de l'industrie des pâtes et papiers, dont, en première ligne, la Consolidated-Bathurst, propriété de Power Corporation. Avec le recul, on peut dire que rarement l'adage Le malheur des uns fait le bonheur des autres n'a eu autant de pertinence.
Laissons à René Lévesque le soin de décrire la situation économique dans les années 1982-1983·:
«Les experts des Finances et du Trésor ont mis au point un impitoyable constat étayé de statistiques à travers lesquelles on perçoit l'angoissante ampleur de la dégringolade. On aura bientôt perdu 200 000 emplois, soit tout l'acquis des années fastes. Faillites et fermetures accélèrent leur ronde infernale. À l'exception des mieux nantis, est-il encore dans tout le secteur privé une seule famille qui ne soit plongée dans une insécurité sans précédent? »
(…) Lors de la création de la Consolidated-Bathurst en 1966, l'entreprise était un chef de file du célèbre trust de la forêt jouissant d'énormes concessions forestières. Au Québec seulement, la nouvelle entreprise fusionnée pouvait compter sur des concessions forestières d'une superficie de 19 974 milles carrés ainsi que sur d'autres concessions détenues à perpétuité ayant une superficie de 3 650 milles carrés, dont toute l'île d'Anticosti! De plus, l'entreprise fusionnée détenait 15 850 milles carrés de forêts domaniales cédées par les provinces, ainsi que des concessions importantes au Nouveau-Brunswick et en Ontario par le truchement de filiales. En tout, cela lui donnait des concessions à exploiter d'une superficie supérieure à 42 000 milles carrés ou près de 110 000 kilomètres carrés. Pour en saisir l'envergure, cela fait plus de trois fois la superficie de la Belgique qui est de 30 528 kilomètres carrés, pays du grand ami européen de Paul Desmarais, Albert Frère, ou un cinquième de la superficie de la France !
Ce régime de pillage forestier, qui, pendant des décennies, a fait les beaux jours des grandes entreprises de pâtes et papiers contrôlées par des intérêts anglo-américains qui dominaient, a été vivement critiqué tout au long de son histoire. Premiers au créneau figuraient les coopératives forestières, les petits exploitants, les municipalités régionales, les syndicats, certains partis politiques et même parfois l'Église. Avec le recul, on s'aperçoit que les contestataires de l'époque opposaient au pillage, à la coupe à blanc et à la politique de la «terre brûlée» pratiquée par les grandes entreprises de pâtes et papiers un développement durable avant l'heure, un développement qui permettrait non pas de «subvenir aux besoins des grandes compagnies », comme l'a écrit en 1963 l'abbé Villeneuve de la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire au Saguenay, mais qui permettrait un «développement de la forêt intégré pour la population ». Par ailleurs, à chaque rendez-vous électoral ou presque, et notamment lors de la campagne électorale de 1962 où le slogan «Maîtres chez nous» résonnait partout, on réclamait des changements profonds, lesquels ne venaient qu'au compte­-gouttes vu le pouvoir politique et le chantage économique des dirigeants des entreprises de pâtes et papiers. La forêt, qui est ou devrait être du domaine public, a été honteusement (pillée).
Fort de ce constat et malgré l'inaction et le désintéressement d'Ottawa, même si le gouvernement fédéral, grâce à la banque centrale, aurait pu alléger la crise économique en réduisant ses taux d'intérêt, le gouvernement Lévesque a mis en œuvre un plan de compressions budgétaires dans le secteur public qui lui a attiré de fortes contestations, surtout au sein de son propre électorat, sans parler des insultes innommables. De plus, il a mis en branle un programme visant à rétablir l'équilibre budgétaire. Mais surtout, il a lancé une batterie de programmes de relance économique et a poursuivi des programmes existants en les enrichissant et en les améliorant, ce qui était le cas de l'industrie des pâtes et papiers. Et de toutes les entreprises de pâtes et papiers québécoises, c'est la Consolidated-Bathurst qui a profité le plus du vaste programme de modernisation des équipements québécois lancé en 1979 ~t renforcé pendant la crise de 1982-1983. La Consolidated­-Bathurst que, dans la plus importante transaction de l'histoire du Canada, Paul Desmarais vendrait à une société américaine en 1989 pour la mirobolante somme de 2,6 milliards de dollars, mais non sans avoir d'abord obtenu du Québec la garantie de l'approvisionnement en bois pour 25 ans ni sans avoir refusé de participer à la création d'un géant québécois de l'industrie par la fusion de la Consol avec la Domtar, entreprise contrôlée par la Caisse de Dépôt et de Placement du Québec.
La Consolidated Paper, fondée en 1931, a acquis le contrôle. de la Bathurst Paper en 1966 pour former, sous les auspices de Power Corporation, la nouvelle entreprise de pâtes et papiers qui, dans les années 1970, figurait au troisième rang des entreprises de pâtes et papiers au Canada. D'une participation déterminante de 15,6 % des actions de la Consolidated-Bathurst lorsque Paul Desmarais en a pris le contrôle en 1968, Power Corporation a fait passer sa partici­pation progressivement à 40 %, d'abord en 1970, quand elle a voulu en prendre le contrôle absolu, et ensuite dans quelques
(...)  Quand on explique l'origine de la richesse de Power Corporation et de son patron, on se doit donc de tenir compte de cette richesse patrimoniale dont ils ont hérité en prenant le contrôle de Power Corporation. Encore une fois, il ne s'agit pas là du fruit du travail d'un entrepreneur créatif ni d'un travailleur acharné, mais du fruit provenant de ressources publiques. Sans parler encore de l'apport énorme des travailleurs et des travailleuses et de l'aide incessante de l'État. Mais ce n'est pas tout!
Aux prises avec de graves problèmes financiers en 1970, provoqués notamment par un programme d'expansion trop ambitieux et une conjoncture nettement défavorable pour l'industrie, la Consolidated-Bathurst s'est vu imposer un président, W.I.M. Turner, jusque-là président de Power Corporation. Sa tâche consistait à se départir de certaines divisions et à restructurer les emprunts bancaires pour remettre l'entreprise sur les rails.
Entre 1970 et 1975, la Consolidated-Bathurst a réussi à rétablir son niveau de bénéfices. Mais dans ce retour à la rentabilité, deux événements méritent d'être mentionnés. D'abord, en 1974, des négociations autour de la prise de contrôle de la société papetière Price, dopées par une certaine surenchère, ont permis à Power Corporation, même si elle a dû se retirer à la dernière minute au profit de l'entreprise de pâtes et papiers Abitibi, d'empocher 24,2 millions de dollars.
Mais surtout, la Consolidated-Bathurst, ou plus exactement Paul Desmarais, a vendu l'île d'Anticosti au gouvernement du Québec pour la somme de 23,8 millions de dollars alors que la valeur comptable de l'île, selon les livres de la Consol elle-même, était de 4,9 millions. Une belle surenchère! Selon le rapport annuel de la Consolidated-Bathurst, l'entreprise a obtenu un «gain net provenant de l'expropriation de l'île d'Anticosti pour la province de Québec» de 18 484 000 dollars. Lors de cette expropriation de velours, le gouvernement. Bourassa n'a heureusement pas acquiescé à la demande de l'ami Paul Desmarais de conserver ses privilèges de pêche sur la formidable rivière à saumon, la Jupiter. L'île d'Anticosti avait approvisionné la Consol en bois et l'a enrichie pendant des décennies alors que l'entreprise n'y investissait que le strict minimum.
Mais on apprécie l'envergure de cette injection de fonds provenant de la vente de l'île d'Anticosti en la comparant à la moyenne du revenu d'exploitation net de la Consol de 1966 à 1975, soit la période pendant laquelle Power était associée à cette entreprise de pâtes et papiers. La moyenne de son revenu était de 26,6 millions de dollars la vente de l'île d'Anticosti lui en a rapporté 23,8 millions, Bien sûr, les bénéfices par action ordinaire, dont Power détenait près de 4%, et la valeur de dividendes versés ont connu un beau bond proportionnel en 1974 (17,7 millions de dollars en dividendes comparés à une moyenne de 6,7 millions de 1966 à 1974).
Pour compenser sa triste perte de l'île d'Anticosti, Paul Desmarais a mis la main la même année sur les 80 kilomètres carrés qui deviendraient son domaine de Sagard dans Charlevoix. Cette prise s'est effectuée par le truchement de la Canada Steamship Lines, qui lui appartenait. Le coût: un dollar! La Canada Steamship Lines a cédé le territoire à Power Corporation en 1976, qui l'a cédé à Paul Desmarais en 1988 pour un autre dollar.
Au portrait du capitalisme sauvage qu'illustre le pillage des forêts s'ajoutent une pratique de conspiration pour fixer les prix et un refus constant de réinvestir les profits dans la modernisation des équipements de production. Il arrivait, selon Robert Kerton, professeur de l'Université de Waterloo cité par Diane Francis, que les capitaines de l'industrie papetière au Canada s'organisent pour fixer les prix du papier à l'aide d'une méthode appelée «la conspiration par déduction », ou le parallélisme conscient. «Le président d'une entreprise prononçait un discours à un endroit sur le besoin d'obtenir un meilleur prix pour son papier. Il s'agissait d'un signal codé qu'il envoyait aux autres. Parfois, il donnait même publiquement le pourcentage d'augmentation prévu.» C'est un délit où, selon Kerton, il est plus difficile d'obtenir une conviction au Canada qu'aux États-Unis.
Quant aux équipements de production, l'industrie des pâtes et papiers au Québec, en particulier, ne brillait pas non plus par le réinvestissement de ses profits dans la modernisation au début des années 1970, même si les machines à papier qui comptaient pour plus de 80 % de la capacité de production dataient d'avant 1945. À titre de comparaison, aux États-Unis, presque toute la capacité de production datait d'après 1945. Avec du bois en masse et de vieux équipements qui roulaient à plein régime, cette industrie, même si elle reconnaissait que ses équipements étaient vétustes, semblait satisfaite de retirer des profits énormes tout en implorant les gouvernements de financer la modernisation des équipements.
C’était le cas de la Consolidated-Bathurst, dont les immobilisations au début des années 1970 ont été rachitiques. Or, en 1972, elle a lancé, avec d'autres entreprises de pâtes et papiers, un plaidoyer pour obtenir de l'aide et des investissements en vue de moderniser leurs équipements de production.
La manne a fini par tomber et, comme d'habitude, Paul Desmarais était là pour la récolter, même si cette manne venait de - ses adversaires politiques acharnés -. En 1978, alors que le gouvernement fédéral ne faisait qu'accoucher d'un rapport d'un nième groupe de travail sur l'industrie, le gouvernement de René Lévesque a annoncé en juin 1978 qu’il lançait un programme de modernisation des équipements de production des pâtes et papiers qui s'étalerait sur cinq ans et qui entraînerait des investissements de plus de 450 millions de dollars.
Ce programme comprendrait des subventions, des emprunts subventionnés et la création d'un fonds d'investissement. Malgré l'imminence du référendum de 1980, le gouvernement Lévesque et son ministre des Ressources naturelles Yves Bérubé ont convaincu l'Ontario de leur emboîter le pas, suivi d'Ottawa en 1979.
À la suite des négociations, il a été convenu que, au Québec, tout investissement gouvernemental devait passer par le gouvernement du Québec puisque la forêt relevait de sa compétence exclusive. Le programme avait pour objet de moderniser les équipements en vue de réduire les coûts de production pour, par la même occasion, augmenter la productivité et mettre en place des équipements de protection de l'environnement et d'économie d'énergie.
Selon le programme, les projets devaient être ceux qui ne se feraient pas sans l'aide gouvernementale et qui n'auraient pas pour effet d'augmenter la capacité de production du papier journal puisque l'industrie avait besoin de se diversifier afin d'être moins exposée aux crises cycliques. Aussi, les concepteurs du programme souhaitaient que chaque dollar gouvernemental investi dans le cadre du programme engendre un investissement équivalent de la part des entreprises de pâtes et papiers.
Ce programme, jumelé aux éléments ajoutés en cours de route, a eu un impact remarquable sur la productivité et la compétitivité des sociétés papetières québécoises. Mais l'objectif d'incitatif du programme n'a pas été atteint parce que les industries n'ont pas investi à la hauteur ciblée, soit de un dollar d'investissement privé pour chaque dollar de subvention gouvernementale.
Voici quelques indicateurs: de 1980 à 1984, la croissance annuelle de la productivité était de 2,8 % (11,4 % en quatre ans) alors qu'entre 1970 et 1980, la productivité n'a augmenté en moyenne que de 1,7 % par année; en 1986, le Québec a bénéficié de 45,6 % des investissements canadiens en modernisation alors qu'en 1970, il n'a reçu que 20 % de ce genre d'investissements; et de 1981 à 1986, les expéditions de papiers spéciaux, autres que le papier journal, ont augmenté de 225 %.
Rappelons que, dans les années 1970, la Consolidated-Bathurst était la plus importante entreprise de pâtes et papiers au Québec. En somme, grâce à ce programme lancé par le gouvernement de René Lévesque, l'industrie des pâtes et papiers au Québec a diversifié sa production, pris de l'expansion sur de nouveaux marchés et augmenté sa productivité.
Ce programme mené par le gouvernement Lévesque s'est poursuivi avec plusieurs ajouts malgré la terrible crise économique qui avait frappé à partir de 1981 et qui avait valu à René Lévesque les pires insultes. Parmi les ajouts, le reboisement massif. René Lévesque a décrit la situation en 1983:
« Le programme de modernisation des pâtes et papiers, lancé quatre ans plus tôt et tenu à bout de bras par Yves Bérubé... avait fini par toucher toute une industrie qui, de décrépite qu'elle était au départ, était redevenue compétitive. À quoi nous devions maintenant ajouter une accélération phénoménale du reboisement. Sachant que nos forêts avaient été si longtemps et si outrageusement pillées, nous avions déjà multiplié par quatre la plantation de nouveaux arbres. C'était loin d'être suffisant. [ ... ] Nous décidâmes de porter avant 1988 le rythme annuel du reboisement de 65 à 300 millions d'arbres et d'assurer ainsi le renouvellement perpétuel du patrimoine forestier, à la scandinave. »
Et Paul Desmarais là-dedans? De la vingtaine d'entreprises de pâtes et papiers au Québec, ce sont les usines de la Consolidated-Bathurst, donc de Paul Desmarais, qui, avec celles de MacLaren, ont reçu les plus importantes subventions pour la modernisation, avec un total d'environ 43 millions de dollars!
Avec des usines modernes et diversifiées et de nouveaux marchés, il ne restait ainsi, pour finir de polir le bijou, qu'à sécuriser l’approvisionnement en matière première. Le régime des concessions forestières qui avaient fait la richesse des entreprises de pâtes et papiers ne pouvait plus tenir.
À la fin du deuxième mandat du gouvernement Lévesque, en juin 1985, le ministre délégué des Forêts a enfin déposé un Livre vert sur la forêt en vue de l'adoption d'une nouvelle politique forestière. Témoin tardif de la grogne dans tout le Québec au sujet de la gestion des forêts, cette politique visait à forcer les industriels à prendre leurs responsabilités, notamment en plantant autant d'arbres qu'ils en coupaient pour assurer la survie et la durabilité des forêts.
Elle n'a, toutefois, jamais été mise en œuvre en raison de la défaite électorale du Parti québécois de novembre 1985. En effet, il s'agissait de faire la quadrature du cercle: protéger la ressource et assurer un développement durable de la forêt au bénéfice. de la population et des divers intérêts régionaux, qui englobaient petits exploitants, coopératives forestières, municipalités et syndicats, tout en satisfaisant l'appétit insatiable du cartel des grandes sociétés papetières, jusque-là maîtresses de la forêt québécoise. On ne sait pas si cette politique si tardivement proposée aurait réussi, mais le problème s'est réglé, du moins pour les entreprises de pâtes et papiers, dont la Consolidated­-Bathurst, avec le retour d'un gouvernement libéral sous Robert Bourassa.
Le nouveau ministre délégué des Forêts, le libéral Albert Côté, et son sous-ministre Robert Tessier, futur dirigeant de Gaz Métropolitain, ont ainsi pris le projet de loi déposé par le gouvernement du Parti québécois et l'ont libéralisé en faveur des sociétés papetières en maintenant « l'approvisionnement de l'industrie forestière à un niveau susceptible de lui permettre de profiter des opportunités de développement», pour reprendre les mots du ministre Côté.
Adopté en septembre 1986 pour entrer en vigueur en avril 1987, le nouveau régime forestier a remplacé celui des concessions forestières par le Contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier, le CAAF, d'une durée de 25 ans. Ce contrat a assuré aux entreprises de pâtes et papiers et aux autres exploitants qu'ils obtiendraient tout le bois nécessaire à condition d'effectuer sur le territoire visé certains travaux d'aménagement qui permettraient d'assurer la régénération de la forêt.
Contesté par les syndicats, les coopératives forestières et les MRC, mais applaudi par le cartel de la forêt, ce régime forestier n'aurait jamais pu être adopté par le Parti québécois, qui se serait aliéné ses appuis traditionnels. En revanche, le Parti libéral n'a jamais caché son allégeance au grand capital, dont le chef de file au Québec était et demeure Power Corporation / Desmarais, alors propriétaire de la Consolidated-Bathurst.
Fin des années 1980: l'industrie papetière connaît de très belles années, le tout Québec politique et économique veut créer un géant mondial de l'industrie papetière pouvant concurrencer les- plus grands sur les marchés internationaux. Dans un geste politique inusité, voire surréel, le premier ministre libéral Robert Bourassa a demandé à l'économiste Jacques Parizeau, qui était aussi, depuis mars 1988, chef du Parti québécois et du mouvement souverainiste, d'intervenir auprès de Paul Desmarais afin de favoriser la fusion de la Consolidated-Bathurst et de la Domtar, qui était contrôlée par la Caisse de dépôt et de placement du Québec depuis 1981.
Cette rencontre à La Malbaie à la fin de 1988, reconstituée par Pierre Duchesne à partir d'entrevues avec Paul Desmarais et Jacques Parizeau, a fait chou blanc, car Paul Desmarais n'accepterait la fusion des deux entreprises « qu'à condition que ce soit lui qui mène ». On aurait pu ajouter aussi qu'à condition qu'il en profite grassement, car son refus venait du prix que la Caisse exigeait de plein droit pour les actions qui lui donnaient le contrôle de la Domtar.
En effet, selon un ancien dirigeant de la Caisse de dépôt et de placement qui désire garder l'anonymat, le projet de fusion de la, Consolidated-Bathurst et de la Domtar a avorté parce que Paul Desmarais a refusé de payer à la Caisse la prime de 30 % qui revient à l'actionnaire de contrôle. Comme la Consol était plus grande que la Domtar, il était dans l'ordre des choses, selon ce dirigeant, que ce soit la première qui se porte acquéreur de la seconde.
Possédant environ 40 % des actions de la Domtar, la Caisse était tout à fait en droit d'exiger et de recevoir une prime de 30 % sur le cours de l'action en bourse. Si l'action vaut 10 dollars, l'actionnaire de contrôle peut exiger et recevoir 13 dollars pour chaque action lors d'une prise de contrôle.
Cela tient compte du fait que si l'acquéreur devait acheter ces actions sur le marché, la rareté croissante des actions et la forte demande feraient monter la valeur des actions disponibles même plus haut que 30 %. Cette règle, Paul Desmarais l'a toujours respectée et a toujours exigé qu'elle le soit.
Or, selon l'ancien dirigeant de la Caisse, le patron de Power Corporation tout comme d'autres entrepreneurs québécois pensent que la Caisse de Dépôt et de Placement, à titre de société d'État appartenant à tous les Québécois, doit leur faire des cadeaux. Dans le cas qui nous concerne, pour satisfaire M. Desmarais, la Caisse aurait dû lui vendre les actions de la Domtar au prix du marché sans la prime de 30 %. Pour la Caisse, a poursuivi l'ancien dirigeant, il n'en était pas question, « car nous savions que si Paul Desmarais devenait le patron de la société fusionnée, il pourrait se retourner et la vendre en touchant pleinement cette prime de 30 ».
Cette crainte était justifiée, car dans les deux mois suivant la rencontre Parizeau- Desmarais, soit le 26 janvier 1989, dans la plus importante transaction financière de l'histoire canadienne, Paul Desmarais a vendu la Consolidated-Bathurst à la Stone Container de Chicago pour 2,6 milliards de dollars. Qui plus est, il a reçu 25 dollars l'action alors que le titre de la Consol se transigeait à 16 dollars. La prime de 30 % de l'actionnaire de contrôle qu'il a refusée à la Caisse, il l'a reçue presque en double. Elle était de plus de 50 %! Par ailleurs, Paul Desmarais n'a jamais participé à l'industrie papetière que pour engraisser sa propre fortune. À Peter C. Newman, il a déclaré:
« J'ai étudié les maudits cycles de la Consol-­Bathurst. Chaque fois que le flux de trésorerie et les profits montaient, les ingénieurs de la Connie-Bathurst prenaient le dessus, en disant qu'il fallait faire ceci ou cela à une telle usine et prendre de l'expansion là-bas, et si nous voulions être un joueur mondial nous devions faire ceci ou cela. L'argent était dépensé avant que je ne mette la main dessus. Alors, j'ai dit au diable. Si j'ai une offre que je ne peux refuser, je la prends.»
Voilà son attitude à l'égard de la modernisation de l'industrie des pâtes et papiers au Québec.
À partir du 26 janvier 1989, Paul Desmarais ne serait plus un capitaine de l'industrie au Québec. Le temps où on ne pouvait rien faire ni rien acheter sans enrichir la famille Desmarais était révolu. Finis les jours où Paul Desmarais pouvait dire que cela ne faisait rien si les convives invités à une fête au Ritz à Montréal cassaient les vitres, car elles seraient remplacées par des vitres fabriquées par sa filiale la Dominion Glass. Il ne pouvait plus dire en boutade aux syndicalistes de l'industrie papetière venus manifester contre lui lors du sommet économique de mai 1977, qui réunissait René Lévesque, Louis Laberge et Paul Desmarais, qu'ils l'enrichissaient quand même puisqu'ils avaient fait le trajet jusqu'à la manifestation dans des autobus qui lui appartenaient. Quand Paul Desmarais a pris le contrôle de Power Corporation en 1968, plus de 60 % de ses avoirs étaient au Québec. À partit de 1989, ce pourcentage est tombé à moins de 10 % et la chute s'est poursuivie avec la vente du Montréal Trust en mars 1989.
En effet, la Consolidated-Bathurst, cette poule aux œufs d'or, gavée de billes de bois du patrimoine forestier québécois, vivifiée par des milliers de travailleurs et de travailleuses et embellie par les largesses de l'État, qui a tant enrichi son propriétaire, serait vendue avant qu'elle n'agonise, procurant plus de un milliard de dollars de liquidités à celui qui s'en servirait pour s'implanter sous des cieux européens et, dans une moindre mesure, asiatiques. Le Québec deviendrait dorénavant une sorte de basse-cour à tenir en place et à regarder du haut de son domaine de Sagard. Au moins, à Sagard, il investirait... dans une petite église.

Conclusion
Le livre est le grand lieu de la contestation et le restera.
JACQUES FERRON
L'État Desmarais exerce une influence totalement disproportionnée sur la vie politique et économique du Québec et, dans une moindre mesure, sur celle du Canada. Au cours des dernières années, il a tissé une toile - les moins généreux la qualifient de pieuvre tentaculaire - par laquelle il est en mesure de faire la pluie et le beau temps.
Dès 1975, le président de la commission royale d'enquête sur les groupements de sociétés a dit en audience publique à Paul Desmarais que l'opinion était très répandue selon laquelle il jouissait « de relations étroites avec le gouvernement à Ottawa et avec le gouvernement du Québec» et qu'il n'avait «aucune difficulté» à s'assurer que ses opinions et celles de Power Corporation soient connues et comprises, autant à Ottawa qu'à Québec. Si ces relations étaient étroites en 1975, on peut dire qu'elles frôlent l'inceste en 2005. Avec de telles relations, pas besoin de lobbyistes à la Karl-Heinz Schreiber. Voilà la première façon dont la famille Desmarais exerce son influence.
Deuxième façon: grâce à l'empire médiatique de Gesca.
L'état actuel du cartel médiatique au Québec où un homme, une famille, possède 70 % de la presse écrite n'existe, à notre connaissance, nulle part ailleurs. Le pouvoir que ce cartel lui donne est immensurable: tous les hommes et toutes les femmes politiques au Québec le savent fort bien.
Troisième façon: par une présence dominante au sein d'une kyrielle d'instituts et d'organismes essentiels au développement de la pensée politique et économique au Québec. Un membre de la famille Desmarais préside le conseil d'administration, par exemple, de chacune des organisations suivantes: la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (Hélène Desmarais), l'Institut économique de Montréal (Hélène Desmarais), le Forum économique international des Amériques/Conférence de Montréal (Paul Desmarais fils) et HEC Montréal (Hélène Desmarais, présidente du conseil d'administration, et Paul Desmarais fils, président du Conseil consultatif international).
S'il est vrai qu'une participation, même à titre de président du conseil d'administration, n'équivaut pas au contrôle de l'organisation, il est aussi vrai que la participation au niveau décisionnel de membres de l'État Desmarais a pour effet de neutraliser, de paralyser ou de compromettre l'organisation lors de controverses politiques importantes qui touchent aux intérêts du Québec et à ceux de Power Corporation.
Le cas de l'achat de la Bourse de Montréal par celle de Toronto en 2008 en est un exemple. La privatisation de la santé au Québec en est un autre. Et quelle sera la réaction de chacune de ces organisa­tions, qui ont toutes une mission économique, lorsque Power Corporation mettra la main sur la Banque Nationale? On peut gager déjà que leur silence sera assourdissant.
Depuis 1989 et la vente de la Consolidated-Bathurst, la famille Desmarais s'est désintéressée du Québec, du moins en ce qui concerne les investissements. Comme disait Claude Béland au début des années 1990, Paul Desmarais a mis son argent en Europe et il «se fout bien du Québec ».
Or, l'importante toile d'influence politique au Québec, tissée soigneusement par la famille Desmarais et notamment par la génération des fils, tend à faire mentir cette observation, pourtant rigoureusement vraie selon les chiffres. En plus de cette toile d'influence, la famille Desmarais se paie un luxe spectaculaire mais obscène au Québec.
Il y a, bien sûr, le domaine de Sagard, sorti tout droit de l'aristocratie française d'avant la Révolution, d'une superficie de 75 kilomètres carrés et dont le château aurait coûté entre 40 et 70 millions de dollars. Mais il y a aussi le domaine de Paul Desmarais fils au bord du lac Memphrémagog, en Estrie, et le club de golf ultra­luxueux et privé qu'il a fait construire près de Georgeville. Des gens qui s'installent comme ça et qui tissent une toile d'influence à toute épreuve au Québec donnent nettement l'impression qu'ils ont encore d'autres tours économiques à jouer au Québec. Mais quels sont-ils?
Selon les paroles des Desmarais, père et fils, dans les années 1990, Power Corporation avait des projets d'investissement d'envergure à réaliser, mais le débat constitutionnel ne leur plaisait pas et le rendement prévu ne semblait pas leur convenir. Pour faire cet important investissement, donc, Power Corporation s'attend d'abord à ce que le couvercle sur le mouvement souverainiste québécois soit vissé hermétiquement. Cela se fait de multiples façons, sans jamais recourir à la répression.
D'abord, par l'usure et la démoralisation des chefs politiques souverainistes et leurs alliés syndicaux, ce que les journaux de Gesca font à merveille. Ensuite, par l'argent, les nominations et l'illusion d'influence que l'État Desmarais peut offrir. Le sérail de Power n'a-t-il pas toujours été décoré d'anciens et de futurs politiciens en attente d'être adoubés par le patron? Puis, par l'intimidation: qui ose dire non à des gens ayant tant d'influence et de puissance'?
Et finalement, par la division, voire l'atomisation, de l'élite économique québécoise. On se rappellera ce qu'un haut dirigeant d'affaires nous a confié: « Paul Desmarais peut compromettre les gens de toutes sortes de façons ». Par ailleurs, il a souvent gagné grâce à sa patience et son sens de la durée. Le même homme d'affaires a ajouté qu'il «se croit éternel ».
Si l'État Desmarais juge que le couvercle sur le mouvement indépendantiste est vissé et scellé, ce que l'apparente démission collective actuelle peut suggérer, on peut s'attendre à du mouvement de la part de Power comme promis il y a près de 20 ans à la suite de la vente de la Consol. Et si le passé est garant de l'avenir, Power, qui s'est enrichie grâce au patrimoine collectif, va chercher de nouveau à s'accaparer du fruit mûr de l'État québécois et de la Révolution tranquille qui l'a produit: la Banque Nationale, banque des petites et moyennes entreprises québécoises, et cœur de Québec inc. - certains l'appellent feu Québec inc.; la santé, par l'entremise des assurances et des fonds communs de placement; l'exploitation des filières pétrolière et gazière, par l'entremise du pétrolier Total et de la gazière GDF Suez. Et pourquoi pas l'hydroélectricité? (*)
(*)  Ici, il faut se rappeler les nombreuses déclarations de l'Institut économique de Montréal invitant à la privatisation totale ou partielle d'Hydro-Québec et de la Société des Alcools du Québec. Sachant que cet organisme est dominé par Power Corp., on peut voir clairement la manœuvre consistant à se faire vendre ces trésors nationaux à prix d'aubaine et à se retourner rapidement pour les vendre à l'étranger comme la Consol...
Pour y arriver, l'État Desmarais n'hésitera pas à invoquer sa francophonie de pacotille, question de s'assurer d'être le seul concurrent en lice, mais aussi de mobiliser l'élite d'affaires francophone du Québec, et surtout d'en consoler les membres. Après tout, l'État Desmarais aura obtenu qu'ils lâchent le projet collectif emballant d'un Québec souverain - OUI et ça devient possible, disaient-ils ­pour le triste statut d'éternel minoritaire.
Dans l'introduction, il est suggéré que notre incapacité collective ou notre refus d'aborder de front ce pouvoir démesuré et quasi occulte de l'État Desmarais ainsi que de prendre les moyens pour le surmonter explique l'impasse politique dans laquelle se trouve le mouvement souverainiste québécois. Au cours de la rédaction de ce livre, nous avons constaté aussi que cette incapacité ou ce refus s'explique par le fait que beaucoup de gens admirent Paul Desmarais en cachette, sans l'avouer, un peu à l'instar de tous ces gens qui écoutent la musique country en cachette, sans jamais l'avouer.
Or, une analyse froide du parcours de la famille Desmarais, de son enrichissement ainsi que des idées et positions politiques que les dirigeants de Power Corporation épousent devrait briser la paralysie qui nous afflige. Paul Desmarais est profondément antidémocratique. Il veut du pouvoir, mais il a refusé de faire de la politique parce que, dit-il: «Je ne veux pas dépendre d'un gars dans un coin qui va voter contre moi ».
Il est un homme d'affaires qui s'est enrichi énormément, mais, comme nous l'avons vu, son histoire n'est pas celle d'un entrepreneur audacieux et innovateur comme J.-A. Bombardier, Guy Laliberté ou même Pierre Péladeau. Et c'est Paul Desmarais lui-même qui le dit: « Même en y réfléchissant bien, je ne trouve rien que j'ai commencé ... Commencer à zéro, c'est trop lent pour moi. »
En effet, la description la plus juste de Paul Desmarais est, selon nous, celle qu'un haut fonctionnaire de la Commission européenne a donnée d'Albert Frère, principal associé des Desmarais en Europe: «Pour moi, c'est un prédateur; il a joué au Monopoly, mais n'a jamais créé richesse ni emploi.» Même le mécénat des Desmarais, qui les distingue d'Albert Frère, doit être mis en perspective. Quand un homme qui vaut 5 milliards de dollars donne un million à une œuvre, c'est, proportionnellement, comme un homme qui vaut 100 000 dollars qui donne un billet de 20 dollars. Le don de 20 dollars mérite même plus de respect que celui du multimilliardaire, car il n'y a aucun retour sur ce don, aucune reconnaissance, aucun doctorat honorifique, aucun pavillon qui portera son nom. Le don de 20 dollars relève de l'altruisme alors que celui du multimilliardaire relève d'une stratégie de communication et de relations publiques ayant comme objectif de faire grossir le butin de l'État Desmarais.     
COMPLÉMENTS :
https://www.youtube.com/watch?v=ukRTyc0uPFU
https://www.youtube.com/watch?v=8iSoDQR212o

FIN
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« Le capitalisme est cette croyance stupéfiante
que les pires des hommes feront les pires choses
pour le plus grand bien de tout le monde »

John Maynard Keynes
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« Quand je cesserai de m'indigner,
j'aurai commencé ma vieillesse. »
André Gide
Extrait de Nouveaux prétextes
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« Jamais la population du Québec n’a été manipulée et bernée
aussi odieusement qu’en octobre 1970.
Cette manipulation sans précédent a eu
et continue d’avoir des conséquences
sur le comportement politique des Québécois. »
Pierre VALLIÈRES
 
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L’AUT’JOURNAL
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L’ACTION NATIONALE
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IMPÉRATIF FRANÇAIS
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DEMAIN – Hymne au Québec
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« Ce qui nous laisse petits, c'est la peur de devenir grands »
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