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lundi 4 mars 2024

UN NOUVEAU TYPE D’ÉOLIENNE

Jean-Luc DION, ingénieur et professeur retraité
Université du Québec à Trois-Rivières
Juin - octobre 2023

  1. Une interrogation…

Quand, depuis plus de 20 ans, je regarde l’évolution des éoliennes ou aérogénérateurs, je m’interroge comme ingénieur sur la fonctionnalité et le rendement de ces appareils gigantesques qui ont parfois des rotors ou hélices ayant près de 150 mètres de diamètre, et dont les trois pales sont d’une finesse remarquable (figure 1). Leur coût de fabrication est énorme, et de plus, elles sont bruyantes et dégradent le paysage. On peut penser qu’il y a là une situation au moins très paradoxale au plan de l’efficacité énergétique considérant cette configuration…

Figure 1 - Les nouvelles éoliennes.

  1. Une expérience virtuelle

Imaginons une hélice jouet avec des pales fines, communément appelée vire-vent au Québec, qui tourne librement autour d’un axe, tel qu’illustré dans la figure 2, face au vent de vitesse v. On sait que l’hélice commence à tourner dès que le vent souffle et que la vitesse augmente proportionnellement à la vitesse du vent et peut devenir très grande qui dépend de l’inclinaison des pales et leur profil. On sait aussi qu’en appliquant un freinage croissant à la rotation de l’axe pour une vitesse v, l’hélice tournera de moins en moins vite et cessera de tourner pour une certaine valeur du freinage qui augmente avec la vitesse du vent. Et, bien sûr, les forces en jeu augmentent avec le diamètre de l’hélice.

Figure 2

Or, au cours de ce ralentissement, de plus en plus d’air traversera la surface S de l’hélice sans agir sur les pales et leur communiquer de l’énergie. C’est précisément le cas des éoliennes qu’on installe partout dans le monde, comme dans la figure 1, auxquelles s’appliquent les mêmes lois de l’aérodynamique qu’au vire-vent. Maintenant, ne peut-on pas imaginer que si les pales de ce dernier sont deux ou trois fois plus larges la force de freinage devra être deux ou trois fois plus grand pour maintenir la même vitesse de rotation à la même vitesse du vent ? L’énergie fournie par cette hélice devrait donc être considérablement plus grande que dans le cas de la première.

Alors, la question qui se pose tout naturellement après cette conclusion qui semble plausible est celle-ci : comment les éoliennes ou aérogénérateurs installés actuellement qui ont seulement trois pales étroites peuvent-ils produire la puissance maximale prédite par la théorie dont on trouve un aperçu plus bas ?

La figure 3(a) souligne une situation complémentaire, celle d’une hélice d’avion qui peut avoir 2, 3, 4, 6 pales étroites qui doivent tourner très rapidement pour fournir la traction requise à un avion en vol. On sait aussi que pour la même vitesse de rotation, la traction augmente avec le nombre de pales si elles sont identiques.

En 3(b), on voit un avion en plongée dont le moteur est coupé. On sait que même à grande vitesse, l’action de l’air ne suffira pas à faire tourner l’hélice dont les pales sont étroites. Mais, si le nombre de pales correctement inclinées est de 4 ou 6, l’hélice pourrait peut-être se mettre à tourner si le couple résistant du moteur au repos est dépassé à cause d’une vitesse élevée.

Figure 3

  1. Puissance nominale d’une éolienne

On sait que la puissance P du vent à la vitesse v qui traverse une surface S est donnée par la simple formule suivante où r est la masse volumique de l’air qui est de 1,2 kg/m3 à 20oC [1] :

    P = ½ r S v3  watts (W)                                                                      (1)
v est en mètres à la seconde (m/s) et S en mètres carrés (m2).

Mais « la limite de Betz », est une loi physique qui indique que la puissance théorique maximale développée par un capteur éolien est égale à 16/27 (environ 59%) de la puissance incidente du vent qui traverse l'éolienne [2]. Cette limite ne peut être atteinte qu’à la suite d’une longue analyse théorique permettant de déterminer le nombre optimal de pales, leur forme, leur profil et leur surface. Donc la puissance mécanique théorique maximale, ou puissance nominale, produite par cette éolienne est donnée par l’expression suivante :

                    Pm = (8/27) r S v3 = 0,296 r S v3 = 0,355 S v3                                 (2)

Or, on sait que la vitesse de rotation d’une grande éolienne ne dépasse guère 20 tours/minute, soit un tiers de tour à la seconde pour un vent de 50 km/h, soit 13,9 m/s (2).

Considérons l’hélice à trois pales de la figure 4 qui tourne à 20 tours/min avec un vent de 13,9 m/s En 1 seconde, les pales tournent donc de 120o. En première approximation, on voit que la surface O12 d’une pale est balayée en 1/15 de seconde, une rotation θ de 8o, pendant laquelle le vent agit sur elle en faisant un travail. Faisons l’hypothèse que la surface approximative S’ balayée par les pales est celle d’un secteur avec une ouverture de 12o. Pour les trois pales, c’est 36o. soit 1/10 de la surface totale S. Or, pendant ce même temps, l’air a avancée de 13,9/15 = 0,927 m à travers la surface comprise entre les pales sans transférer son énergie cinétique ! Autrement dit, le rendement approximatif serait dans le rapport entre la surface totale balayée par les pales et la surface S de l’hélice, soit 1/10 = 10%...



 

Figure 4 - Modèle de grande éolienne
ou éolienne ‘fine’.

En première approximation, ne pourrait-on pas dire que si 90% du vent passe à travers l’hélice sans exercer de pression sur les pales, il est impossible que l’éolienne transforme en énergie mécanique plus de 10% de l’énergie cinétique du vent ? Il y a là un étonnant paradoxe, auquel personne ne semble donner une réponse…

Récemment « le fabricant d’éoliennes danois Vestas annonçait que sa dernière-née, la V236-15.0 MW, avait produit ses premiers kilowattheures [3]. Du moins, son prototype. Quasiment aussi haute que la tour Eiffel et dotée de pales incroyablement fines de plus de 115 mètres de long. » La question qui se pose alors, comme pour toutes les autres installations : si la puissance nominale est de 15 MW, quelle est alors la puissance mécanique réelle fournie à la génératrice ? Toutefois, on ne donne pas la vitesse du vent qui produirait cette puissance...

La puissance nominale des éoliennes spécifiée dans les publications le moindrement documentées semble essentiellement celle donnée par la formule (2) qui tient compte de la limite de Betz, sans préciser la surface des pales [4].

Alors, parmi les questions qui se posent, ne pourrait-on pas concevoir et réaliser des éoliennes plus petites et plus efficaces ?

  1. Une éolienne plus efficace ?

C’est ainsi que les anciens moulins à farines de nos ancêtres (fig. 5) qui rendaient efficacement de grands services peuvent donner une idée qui serait peut-être une amélioration : une éolienne qui occuperait beaucoup moins d’espace et serait probablement plus petite pour la même énergie électrique moyenne produite, grâce à des pales de grande surface. De plus, avec une fabrication plus simple à un coût sans doute inférieur.

La figure 6 montre schématiquement la configuration essentielle de cette hélice ou turbine dont un avantage possible serait de se mettre en rotation pour de faibles vitesses de vent, et dont l’inclinaison des pales s’adapterait automatiquement à la vitesse du vent pour fournir une puissance maximale se rapprochant de la valeur nominale : elle est désignée comme une éolienne basse.

(a)            (b)   

Figure 5 - Anciens moulins à vent.

  1. Description

Dans la figure 6, deux couronnes A et B sont centrées sur l’axe, chacune par les barres 1, 2, 3… 8 et huit câbles ou haubans C. Des pales P1, P2, P3… P8 en matériaux composites, robustes et flexible, sont tendues par des rotules entre les couronnes.

Figure 6 - Éolienne compacte à 8 pales – Schéma de principe.

L’inclinaison du sommet des pales est variable automatiquement selon la vitesse du vent par un mouvement axial de l’ensemble de la couronne A et des 8 barres qui produit une torsion des pales : A et B s’écartent avec l’augmentation de la vitesse du vent. L’inclinaison des pales sur l’axe serait fixe et d’environ 45o Des mécanismes probablement simples et robustes peuvent sans doute produire ces mouvements d’une façon optimale, commandés par un système électronique qui maximise la puissance produite en fonction de la vitesse du vent. Ce type de rotor entrera en rotation et fournira de l’énergie pour une vitesse de vent beaucoup plus faible que celle requise pour les éoliennes actuelles. La figure 7 schématise une installation typique. Imaginons l’éolienne de la figure 6, avec une turbine d’un diamètre de 8 mètres dont l’axe se trouve à 20 m du sol. Il est intéressant d’évaluer la puissance mécanique approximative que le système produirait selon l’expression (2) avec un vent de 40 km/h, par exemple. La masse volumique r de l'air est égale en moyenne à 1,204 kg/m3 pour de l'air sec à 20 °C et à la pression atmosphérique normale. On calcule une surface S égale à 50,3 m2, une vitesse v de 11,11 m/s, d’où une puissance nominale P = 24,5 kW.

Si le diamètre est doublé à 20 m, cette puissance est alors 4 fois plus grande : 98 kW. Si en plus la vitesse du vent est de 80 km/h, cette puissance est multipliée par (80/40)3 = 8 ; d’où une puissance de 784 kW. Évidemment, sans vent c’est 0, d’où la nécessité assez générale d’avoir un système de stockage de l’énergie ou le raccordement à un réseau électrique… De telles génératrices éoliennes seraient sans doute moins coûteuses et moins invasives dans le paysage…

Les lois de la dynamique des fluides sont les mêmes qui s’appliquent aux liquides et aux gaz. Il s’ensuit normalement que les géométries des pales de turbine devraient être comparables, que ce soit pour l’eau ou le vent. La figure 7 montre celles d’une turbine de Kaplan utilisée dans les centrales hydroélectriques. On voit que la surfaces des pales est considérable par rapport à celle de l’hélice, afin de fournir le maximum de puissance. Pourquoi les éoliennes ne suivraient-elles pas les mêmes lois ? C’est ce qui a inspiré l’auteur de la présente étude [5]…





    

L’eau s’écoule de bas en haut.

        Figure 7 - Aspect général de l’éolienne basse.              Figure 8 - Turbine hydraulique Kaplan

Le graphique de la figure 9 permet de comparer le rendement nominal d’une éolienne basse B décrite ici avec une éolienne du type qu’on réalise actuellement, les éoliennes fines auxquelles on suppose un rendement de 15%.

On constate, par exemple, qu’une telle éolienne ‘fine’ avec un diamètre de 10 m produira environ 200 kW de puissance mécanique par un vent de 80 km/h, tandis que la turbine du type proposé produirait près de 1300 kW !

Figure 9 - Puissance nominale en fonction du rayon R et de la vitesse v
d’une éolienne basse B et d’une éolienne ‘fine’ F
avec un rendement de 15%.

Conclusion

Il faudrait évidemment qu’un bon travail d’ingénierie et qu’un prototype soient réalisés permettant des mesures afin de déterminer l’intérêt économique et énergétique que peut présenter l’éolienne basse décrite sommairement ici. Mais on peut certainement penser qu’elle devrait avoir des avantages pour diverses applications, particulièrement dans les localités isolées vu ses dimensions et son haut rendement.

Mais il importe de savoir qu’aucun parc d’éoliennes ni complexe photovoltaïque produisant de l’énergie supposée ‘verte’ ne permettra d’éviter la catastrophe écologique si on ne réduit pas radicalement la quantité d’énergie et de ressources consommées chaque année sur la planète. De même pour le mode de vie et de consommation en général…


En se souvenant que l’énergie la plus écologique et la moins chère
est celle qu’on ne consomme pas !

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ANNEXE

Dans l’étude théorique d'une éolienne qu’on trouve parmi d’autres [6], on trouve ces détails :

Où  le « coefficient de performance » change de nom :

Très étrangement, la surface S des pales ne figure pas dans cette dernière expression.


Bibliographie

Aérodynamique des éoliennes, https://energieplus-lesite.be/theories/eolien8/aerodynamique-des-eoliennes/

https://www.energy.gov/eere/wind/how-wind-turbine-works-text-version

Théorie de l'élément de pale couplée à la théorie de Froude relative aux hélices motrices éoliennes et aéromoteurs - https://heliciel.com/helice/calcul-helice-aile/Theorie%20element%20de%20pale%20relative%20aux%20helices%20captrice%20motrices.htm#:~:text=La%20%22BEM%22%20(Blade%20element,le%20long%20de%20la%20pale.

Fluid Dynamics Simulation of an NREL-S Series Wind Turbine Blade - https://www.intechopen.com/online-first/83716

Wind Turbine Blade Design Review - https://core.ac.uk/download/pdf/211500881.pdf

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